Gamaliel et Jésus : authenticité d'une rencontre

    De Wiki Maria Valtorta
    Rencontre de Jésus avec Gamaliel (EMV 160), L. Ferri - Fonds documentaire de la Fondation héritière de Maria Valtorta

    En EMV 160, Jésus rencontre Gamaliel sur la route de Nephtali à Giscala. Tous les deux vont honorer la tombe d'Hillel. Cet épisode n'est pas rapporté dans l'Évangile. Est-il plausible et donc source d'une meilleure connaissance de la Bible ou, au contraire est-il un récit romancé, un "pieux récit" d'une âme dévote mais inculte ?

    Cette rencontre avec Gamaliel pourrait sembler anodine, voire superflue, si certaines précisions n'intriguaient par leur parfum d'authenticité.

    Gamaliel et d'Hillel[modifier | modifier le wikicode]

    Gamaliel n’est cité que dans les Actes des apôtres. Une première fois au moment de son intervention favorable devant le Sanhédrin où il conclut le procès de Pierre et de Jean par ce jugement :"Et maintenant, je vous le dis ne vous occupez plus de ces hommes, et laissez-les aller. Si cette entreprise ou cette œuvre vient des hommes, elle se détruira ; mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la détruire. Ne courez pas le risque d'avoir combattu contre Dieu (Actes 5,34-39)".

    Et plus tard, quand saint Paul rappelle avoir été formé par ce grand maître: "Je suis Juif, né à Tarse en Cilicie, mais élevé ici dans cette ville, où, à l’école de Gamaliel, j’ai reçu une éducation strictement conforme à la Loi de nos pères ; j’avais pour Dieu une ardeur jalouse, comme vous tous aujourd’hui (Actes 22,3)."

    Dom Augustin Calmet (1672-1757), dans son dictionnaire annexé à sa Bible[1], le dit aussi maître de saint Barnabé, compagnon un temps de saint Paul et de saint Étienne, le premier martyr, ce que confirme Maria Valtorta.    

    On le connaît par les écrits de Flavius Josèphe et par les écrits du Judaïsme, notamment la Mishna ou recueil des grands rabbins. C’était le petit-fils d’Hillel dont il vient honorer la mémoire sur son tombeau de Giscala dans l'épisode en question..       

    Hillel, figure marquante du judaïsme, ignoré de la Bible mais non de Maria Valtorta et des sources historiques, opposa sa conception libérale au rigorisme de son contemporain Shammaï. Les controverses étaient telles que certains affirment que le verbe se chamailler dérive du protagonisme, sans doute un clin d’œil. Ces deux figures ont largement été étudiées. On lira avec profit ce qu’en écrit le Pasteur Edmond Stapfer en 1885.

    Le lieu et le dialogue[modifier | modifier le wikicode]

    Ville de haute Galilée, de la tribu de Asher (nommée Gush Halav dans la Bible), Giscala est un centre rabbinique situé à environ 5 km au nord de Méron et à 9,5 km de Safed. À proximité immédiate du village de Méron se trouvent les tombeaux des rabbis Hillel et de Schammaï, pas très loin,

    Sur ce panorama pris du mont Méron, on peut voit à gauche la ville de Giscala et au loin, à droite, le lac Méron[2]. Dans le fond, le mont Hermon au sud-Liban. Ces lieux sont plusieurs fois nommés dans l'œuvre de Maria Valtorta..

    Les enseignements libéraux d'Hillel ont influencés durablement le judaïsme et il est logique que Jésus se reconnaisse dans son enseignement opposé au rigorisme de Shammaï. Il est logique aussi qu'il puisse rencontrer Gamaliel sur cet itinéraire puisqu'il était le petit-fils de cette figure marquante.

    Dans la scène rapportée par Maria Valtorta, Jésus cite la maxime préférée d'Hillel en forme d'oxymore: “L’homme est grand quand il s’humilie (EMV 160.6) ”  Selon Jean-François Lavère[3], sa devise était bien, dans une formulation approchante : "Ma bassesse sera mon élévation, et mon élévation sera ma bassesse". Cette maxime trouve son inspiration dans l'Ecclésiastique ou livre de Ben Sirac le sage 3,18 : "Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.". Le livre de Sirac (Siracide) existe dans la Septante (LXX), ou Bible d’Alexandrie en usage au temps de Jésus. Mais il n’existe plus dans la Bible Hébraïque dont saint Jérôme se servit pour établir sa Vetus latina au IVe siècle.        

    Cette référence à un livre médité par une grande figure d’Israël, valide donc la Septante comme source du Nouveau Testament, ce qui et attesté par ailleurs. C’est avec pertinence que Maria Valtorta y fait référence. La Bible hébraïque, dont se servit saint Jérôme, ne fut établie qu’après la chute du Temple, devenant alors le canon du judaïsme. De ces deux sources, Septante et Bible hébraïque, vient les deux traditions qui se côtoient dans le christianisme et donnent lieu à la double numérotation des psaumes ou l’existence des livres deutérocanoniques (= reconnus sur le tard) retenus par le catholicisme, mais exclus dans le protestantisme qui les dénomme apocryphes (= entachés). L’Ecclésiastique ou livre de Sirac, en fait partie.

    Les descriptions[modifier | modifier le wikicode]

    • L'observation de la nature que Jésus partage avec Gamaliel, n’est pas gratuite. "Tu aimes beaucoup les plantes et les animaux, n’est-ce pas ?  dit Gamaliel en réponse. "Oui, beaucoup, dit Jésus. C’est mon livre vivant. L’homme a toujours devant lui les fondements de la foi. La Genèse vit dans la nature. Qui sait regarder sait aussi croire (EMV 160.5)." Cette réflexion est un écho des psaumes et de tant d’autres textes de la Bible[4].
    • On pourrait s’étonner de ce surgissement printanier à la fin de janvier. Mais c’est oublier que le printemps est plus précoce en Haute-Galilée que dans nos régions. Les signes du printemps commencent généralement à apparaître vers la fin de l'hiver. Les amandiers sont parmi les premiers à fleurir, souvent dès la fin janvier et en février, avec leurs fleurs blanches et roses qui embellissent le paysage.
    • De même les papillons n’ont rien d’anachroniques : dans nos régions ils peuvent surgir dès février/mars pour peu qu’ils aient hibernés dans quelques granges. Le descriptif de Jésus est précis : "deux papillons, l’un noir aux grands yeux d’or et de rubis, l’autre blanc aux rayures bleues". On trouvera sans doute leur nom botanique pour ces régions.
    • En ce qui concerne la "fauvette à tête noire", il s'agit probablement de la "Fauvette d'Arabie" (Arabian Warbler) ou Sylvia leucomelaena présente en Palestine. Sa tête noire est caractéristique.  Quant à la tourterelle "au collier d’onyx sur leurs plumes grises", son nom en hébreu est "tor, tôr" à l'imitation de son roucoulement. Ce pigeon sauvage, abondant en Palestine, est cité 15 fois dans la Bible. Les variétés de tourterelles, rencontrées le plus couramment, sont la tourterelle des bois (Streptopelia turtur), variété migratrice, et la tourterelle turque (Streptopelia decaocta), reconnaissable à un étroit demi-collier noir qui orne sa nuque. C'est cette dernière variété dont parle manifestement Maria Valtorta dans cet épisode.  
    • La citation du genévrier est pertinente : le genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea) est un arbuste à feuille persistante qui pousse dans les rocailles, les maquis, surtout sur sol calcaire. On le rencontre sur tout le bassin méditerranéen.

    Les us et coutumes[modifier | modifier le wikicode]

    On remarquera sans doute les rapports établis entre Gamaliel et ses serviteurs. Des rapports qui, à deux mille ans de distance, nous surprennent. Les ordres sont exécutés "au doigt et à l’œil". On se demande s’il ne s’agit pas d’esclaves. C’est oublier ces rapports qui prévalaient dans la société de l’époque et que l’Évangile nous évoque dans la réponse du centurion de Capharnaüm : "Moi, je suis quelqu’un de subordonné à une autorité, mais j’ai des soldats sous mes ordres ; à l’un, je dis : “Va”, et il va ; à un autre : “Viens”, et il vient  ; et à mon esclave : “Fais ceci”, et il le fait (Luc 7,8)".

    De même la pratique de l’hospitalité et le souci d’honorer son hôte, trouvent ici une curieuse pratique : on décharge les mules pour les transformer en monture, et ce sont les serviteurs qui se chargent de leur pesant fardeau. Jésus ne s’en offusque pas (EMV 160.5).

    Pour aller plus loin[modifier | modifier le wikicode]

    Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

    1. Dictionnaire historique, critique, chronologique de la Bible, rubrique concernée.
    2. Source : commons de wikipédia.
    3. Dictionnaire des personnages de l’Évangile selon Maria Valtorta, rubrique Hillel.
    4. Par exemple : Psaume 103 (Hébreu 104) | Psaume 18 (Hébreu 19) | Genèse 1,31, etc,