Imprimatur conditionnel de la Conférence épiscopale italienne

    De Wiki Maria Valtorta
    Lettre du secrétaire général de la Conférence Épiscopale Italienne (CEI), Mgr Dionigi Tettamκanzi, à l'éditeur (6 mai 1992)
    Le cardinal Dionigi Tettamanzi en 2011 alors qu'il était devenu archevêque e Milan
    Une conférence épiscopale nationale est une structure collégiale où les évêques coopèrent ensemble pour exercer des fonctions pastorales communes, conformément aux canons 447 et 452. En Italie, son président est nommé par le pape, reflétant le lien spécial entre l’Église italienne et le Saint Siège.

    À l'époque des faits, son président est le cardinal Camillo Ruini (1931-), nommé par Jean-Paul II. Ce cardinal est réputé pour son orthodoxie doctrinale. Son secrétaire général, signataire de la lettre, est Mgr Dionigi Tettamanzi (1934-2017). Il fut par la suite, archevêque de Gênes puis de Milan.

    Le contexte

    Cette lettre est apparemment motivée par "de nombreuses demandes, y compris adressées à ce Secrétariat", pour connaître la position de l'Église sur les écrits de Maria Valtorta. Mgr Dionigi Tettamanzi demande à l'éditeur sa "collaboration" dans un esprit de "véritable bien pour les lecteurs et dans l’optique d’un authentique service à la foi de l'Église", d'indiquer clairement dans ses réimpressions de l'œuvre, que les visions et dictées qu'elle contient "doivent être considérées comme" de simples formes littéraires utilisées par Maria Valtorta pour raconter, à sa manière, la vie de Jésus.

    La démarche semble inhabituelle car l'interlocuteur d'un éditeur est l'évêque de son lieu d'exercice (ici, Mgr Biagio Musto, évêque de Sora), que le ton de la lettre est particulièrement collaboratif et "cordial", et enfin, que la demande finale interroge sur le sens et l'autorité à lui donner.

    L'éditeur arguant de sa disponibilité pour publier un tel avertissement aux lecteurs mais ne se jugeant pas compétent pour le formuler, écrivit à Mgr Dionigi Tettamanzi pour lui demander le texte à insérer[1]. Il n'eut jamais de réponse.

    Le lettre

    Texte italien reconstitué Traduction française indicative
    Conferenza Episcopale Italiana - Prato N. 324/92

    Roma, 6 maggio 1992

    Stimatissimo Editore,

    In seguito a frequenti richieste, che giungono anche a questa Segreteria, di un parere circa l'atteggiamento dell'Autorità Ecclesiastica sugli scritti di Maria Valtorta, attualmente pubblicati dal "Centro Editoriale Valtortiano", rispondo rimandando al chiarimento offerto dalle "Note" pubblicate da "L'Osservatore Romano" il 6 gennaio 1960 e il 15 giugno 1966.

    Proprio per il vero bene dei lettori e nello spirito di un autentico servizio alla fede della Chiesa, sono a chiederLe che, in un' eventuale ristampa dei volumi, si dica con chiarezza fin dalle prime pagine che le "visioni" e i "dettati" in es si riferiti non possono essere ritenuti di origine soprannaturale, ma devono essere considerati semplicemente forme letterarie di cui si è servita l'Autrice per narrare, a suo modo, la vita di Gesù.

    Grato per questa collaborazione,

    Le esprimo la mia stima e Le porgo i miei rispettosi e cordiali saluti.

    + Dionigi Tettamanzi Segretario Generale

    Spettabile

    Centro Editoriale Valtortiano Via Po, 95 03036 ISOLA DEL LIRI (FR)"

    Conférence Épiscopale Italienne Prato N. 324/92 Rome, le 6 mai 1992

    À l’attention de l’Éditeur,

    En réponse aux fréquentes demandes, qui parviennent également à cette Secrétairerie, concernant l’avis de l’Autorité ecclésiastique sur les écrits de Maria Valtorta, actuellement publiés par le Centre Éditorial Valtortien, Je réponds en me référant aux éclaircissements apportés par les "Notes" publiées dans L’Osservatore Romano les 6 janvier 1960 et 15 juin 1966.

    Pour le vrai bien des lecteurs et dans un esprit d’authentique service à la foi de l’Église, je vous demande instamment que, dans une éventuelle réimpression des volumes, il soit clairement indiqué, dès les premières pages, que les "visions" et les "dictées" qui y sont rapportées ne peuvent être considérées comme d’origine surnaturelle, mais doivent être simplement regardées comme des formes littéraires dont l’auteure s’est servie pour raconter, à sa manière, la vie de Jésus.

    Je vous remercie par avance pour cette collaboration et vous exprime ma considération, tout en vous adressant mes salutations respectueuses et cordiales.

    • Dionigi Tettamanzi Secrétaire général

    À l’attention du Centre Éditorial Valtortien Via Po, 95 03036 ISOLA DEL LIRI (FR)

    Commentaires

    La lettre de la CEI s’inscrit dans une tradition de prudence de l’Église catholique face aux écrits mystiques ou privés[2], surtout lorsqu’ils prétendent à une origine surnaturelle[3]. Les références aux "Notes" de L’Osservatore Romano (1960, mise à l'Index et 1966, abolition) rappellent que l’Église avait déjà pris position sur ces textes datant d'une soixantaine d'années.

    Le ton retenu par Mgr Dionigi Tettamanzi est respectueux et collaboratif, ce qui reflète une approche pastorale : l’Église ne condamne pas (ou ne condamne plus) l’œuvre, mais en encadre la réception pour éviter les dérives, notamment celle qu'exprimait le cardinal Josef Ratzinger dans sa lettre de 1985. En demandant de mentionner explicitement, dans les rééditions, que les "visions" et "dictées" mentionnées doivent être considérées comme l'œuvre littéraire de Maria Valtorta, la CEI démontre une volonté de protéger les fidèles contre une interprétation littérale ou une dévotion non encadrée.

    Si l'Église n'interdit plus la publication, ne mentionne aucune correction à apporter à l'œuvre et ne dénonce aucune erreur touchant à la foi ou la morale, elle invite les lecteurs de Maria Valtorta à une lecture critique: les textes de Valtorta sont à lire comme une œuvre spirituelle et narrative, non comme un complément (ou pire, comme un substitut) aux Évangiles.

    Cette lettre, dont on sut plus tard qu'elle avait été commanditée par le cardinal Josef Ratzinger, rejoint la licitation de l'œuvre de Maria Valtorta que donnaient à soixante-seize ans d'écart le Pape Pie XII et le Pape François, mais en lui enjoignant une discipline de lecture, celle qui régit les révélations privées en général et d'autant plus celles de Maria Valtorta fondées sur des visions historiques de l'Évangile qu'elle revendique dans son titre même : l'Évangile tel qu'il m'a été révélé.

    Origine et autorité du document

    Le cardinal Josef Ratzinger en 1988

    C'est en 1993, dans une lettre de Mgr Raymond J. Boland, évêque de Birmingham en Alabama, qu'on apprend que c'est le cardinal Josef Ratzinger lui-même qui a demandé à la Conférence épiscopale italienne d'écrire, devant l'afflux des demandes, cette lettre à l'éditeur[4]. Les termes et la motivation sont les mêmes, mais Mgr Dionigi Tettamanzi y rajoute un ton plus convivial.

    C'est le même contenu, pour le même motif, qui est repris par le Dicastère dans son communiqué (22 février 2025). Il rajoute qu'il est impossible à l'Église de reconnaître officiellement l'origine divine des écrits de Maria Valtorta car elle ne réserve cette garantie qu'au seul canon des Écritures (la Bible en résumé).

    Cette formulation répétée trois fois à l'identique exprime la position officielle et non un jugement (comme beaucoup l'ont cru). Pour que cela le soit, ce jugement devrait répondre à des procédures et des critère formels qui ne sont pas présents dans le communiqué du 22 février 2025: par cinq fois, il s'écarte des Normes procédurales prévues à cet effet.

    Le sens de la lettre de la CEI de 1992 (qui se retrouve à l'identique dans celle de 1993 ou dans le communiqué de 2025) a été posé par l'Association Maria Valtorta à Mgr Paolo Giulietti le 17 avril 2023. Cet archevêque est le référent ("Ordinaire") pour le cas de Maria Valtorta. Il répond:
    "À mon avis, la lettre de Mgr Tettamanzi à l’éditeur italien de l’époque avait pour but de préciser qu’il ne fallait pas comparer la révélation de l’Évangile avec les révélations reçues par Maria Valtorta. Vous savez, l’Index était de toute façon un instrument évolutif : même la Bible a été mise à l’Index et, pendant des siècles, il n’était pas possible pour un simple chrétien de la lire ou de la posséder[5]. D’autre part, de nombreux signes indiquent que les écrits de Maria Valtorta ne peuvent provenir uniquement d’elle et de ses connaissances historiques et bibliques limitées : ce qu’elle écrit, dans certaines parties, ne peut pas être simplement d’origine naturelle. Cependant, si quelqu’un lit le récit de Maria Valtorta en pensant qu’il est au même niveau que l’Évangile, il se trompe lourdement. Enfin, en ce qui concerne l’expérience mystique, il faut tenir compte du fait que la relation entre ce que Dieu dit et ce que l’homme comprend est conditionnée par la culture et les connaissances de la personne qui reçoit les locutions."

    Notes et références

    1. Lettre du 27 mai 1992 et du 6 juillet 1992 (Maria Valtorta, qu'en penser ? Éléments de discernement, CEV 2024, pp. 171-174.
    2. PIE X, Pascendi Dominici gregis, 8 septembre 1907, §75 : "Ces apparitions ou révélations [mêmes reconnues] n'ont été ni approuvées ni condamnées par le Saint-Siège, qui a simplement permis qu'on les crût de loi purement humaine, sur les traditions qui les relatent, corroborées par des témoignages et des monuments dignes de foi".
    3. Cf. Normes procédurales pour le discernement de phénomènes surnaturels présumés (17 mai 2024)
    4. Ceci explique que l'éditeur ne reçut jamais de réponse à sa demande d'un texte officiel à insérer Mgr Dionigi Tettamanzi ne fisait que transmettre une position dont il n'était pas l'auteur.
    5. Il s'agit de l'interdiction qui était faite aux fidèles de lire ou de posséder des traductions non approuvées. Mgr Giulietti fait allusion à l'époque où lire une Bible traduite dans sa langue, nécessitait une autorisation épiscopale.