Fils de l'homme
Pour les juifs de l'époque, ben adam ("fils de l’homme" en hébreu)[1] signifie simplement "un homme", "un être humain". C'est un homme comme les autres. Dans le Nouveau Testament, c’est toujours Jésus qui emploie l’expression pour parler de lui-même (sauf la vision d’Étienne dans Actes 7,56). Ce n’est pas un titre qu’on lui donne de l’extérieur (comme "Fils de David" ou "Rabbi"), mais une auto-désignation. Elle est utilisée plus de 80 fois dans les Evangiles[2].
Signification théologique[modifier | modifier le wikicode]
Par cette expression, Jésus insiste donc sur son humanité semblable à celle des autres hommes: un condition humble[3]. Mais cache aussi son rôle messianique et divin car l'expression "fils de l'homme" apparaît environ 107 fois dans l'Ancien Testament dont 93 fois dans le seul livre d’Ézéchiel (où Dieu interpelle le prophète : "Fils de l’homme, lève-toi…[4]). Elle est aussi présente en Job, Psaumes, Nombres, Isaïe, Jérémie et Daniel (7,13-14), où elle prend le sens très particulier de figure messianique céleste. Jésus introduit donc ainsi sa mission de souffrance.[5] Il introduit aussi sa gloire future et eschatologique, car c'est le "fils de l'homme" qui reviendra à la fin des temps[6].
"Fils de l’homme" (un homme comme les autres) n’est donc pas une négation de la divinité de Jésus, mais un moyen d’insister sur le fait qu’il a réellement vécu comme nous : il a connu la faim, la fatigue, la souffrance et la mort. Ainsi, par cette expression que Jésus utilise à son encontre, on se rappelle que le Sauveur a choisi la condition humaine afin de rendre possible notre réconciliation avec Dieu[7].
Dans Maria Valtorta[modifier | modifier le wikicode]
Ce rapport à l'humanité, comme l'union des deux natures en Jésus (union hypostatique) sont des points centraux de l'œuvre de Maria Valtorta car ils sont constitutifs de la Rédemption. Jésus s'en explique:"J'étais, je suis le Fils du Dieu Très-Haut, mais j'étais aussi le Fils de l'homme. Je veux que, de ces pages[8], se dégage nettement cette double nature pareillement totale et parfaite.De ma Divinité, fait foi ma parole qui a des accents que seul un Dieu peut avoir. De mon Humanité, les besoins, les passions, les souffrances que je vous présente et que je souffris dans ma chair d'Homme véritable, et que je vous propose comme modèle de votre humanité, de même que je vous instruis l'esprit par ma doctrine de vrai Dieu.
Au cours des siècles, aussi bien ma très sainte Divinité que ma très parfaite Humanité, par l'action de désagrégation de "votre" humanité imparfaite, ont été diminuées, déformées dans leur présentation. Vous avez rendue irréelle mon Humanité, vous l'avez rendue inhumaine comme vous avez rendue petite ma figure divine, en la niant sur tant de points que vous ne vouliez pas reconnaître ou que vous ne pouviez plus reconnaître avec vos esprits diminués par les corruptions du vice et de l'athéisme, de l'humanisme, du rationalisme.
Je viens, en cette heure tragique[9], prodrome[10] de malheurs universels, je viens rafraîchir dans vos esprits ma double figure de Dieu et d'Homme, pour que vous la connaissiez telle qu'elle est, pour que vous la reconnaissiez après tant d'obscurantisme dont vous l'avez couverte pour vos esprits, pour que vous l'aimiez et reveniez à elle et que vous vous sauviez par son intermédiaire. C'est la figure de votre Sauveur, et celui qui la connaîtra et l'aimera sera sauvé[11]".
Dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé"[modifier | modifier le wikicode]
Jésus se fait appeler Fils de l'homme[modifier | modifier le wikicode]
Dans un de ses premiers enseignement aux apôtres, Jésus explique le rôle de son humanité."En vérité, je vous dis que pour Moi, je ne suis pas parfait si vous ne voyez en Moi qu'un prophète. Aucun homme n'est parfait, mais je suis parfait, Moi, car Celui qui vous parle est le Verbe du Père. Elle est de Dieu, sa Pensée, qui se fait Parole. J'ai la Perfection en Moi et c'est cela que vous devez croire si vous croyez que je suis le Verbe du Père. Et pourtant, vous le voyez, amis, je veux qu'on m'appelle le Fils de l'homme, car je m'anéantis Moi Même, en prenant sur Moi toutes les misères de l'homme, pour les porter - c'est ma première croix - et les supprimer après les avoir portées, mais sans qu'elles m'aient atteint. Quel poids mes amis ! Mais je l'apporte avec joie. C'est ma joie de les porter car Fils de l'Humanité, je rendrai l'humanité fille de Dieu. Comme au premier jour[12]."
Dieu a envoyé son Fils pour être Fils de l'homme[modifier | modifier le wikicode]
Durant la retraite préparatoire à la vie apostolique, Jésus revisite le sens des dix commandements. Il explique, à cette occasion, le rapport privilégié de Dieu avec l'homme et motive ainsi la Rédemption."L’homme est donc la créature bien-aimée de Dieu[13]. Même si maintenant il est coupable, c’est toujours la créature qui Lui est la plus chère. Ce qui en témoigne, c’est qu’Il a envoyé son Verbe Lui-même, non pas un ange, non pas un archange, non pas un chérubin, ni un séraphin, mais son Verbe, en le revêtant de la chair humaine[14] pour sauver l’homme. Il n’a pas estimé indigne ce vêtement[15] pour rendre passible en vue de la souffrance expiatrice Celui qui, étant comme Lui un Très Pur Esprit, n’aurait pu, en tant que tel, souffrir et expier la faute de l’homme[16].Le Père m’a dit : "Tu seras homme : l’Homme. J’en avais fait un, parfait comme tout ce que Je fais. Je lui avais destiné une douce vie, une très douce dormition et un bienheureux réveil, un très heureux et éternel séjour dans mon céleste Paradis. Mais, Tu le sais, en ce Paradis ne peut entrer ce qui est souillé, car en ce lieu, Moi-Nous, Dieu Un et Trine, nous avons notre trône. Et en sa présence ne peut se trouver que sainteté. Je suis Celui qui suis[17]. Ma divine nature, notre mystérieuse essence ne peut être connue que par ceux qui sont sans tache.
Maintenant l’homme, en Adam et par Adam, est souillé. Va. Purifie-le. Je le veux. Tu seras désormais : l’Homme. Le Premier-Né[18]. Car Tu entreras le premier ici, avec ta chair mortelle exempte du péché, avec l’âme exempte du péché d’origine[19]. Ceux qui t’ont précédé sur la terre et ceux qui te suivront, auront la vie par ta mort de Rédempteur[20]". Il ne pouvait mourir que quelqu’un qui était né. Moi je suis né et je mourrai.
L’homme est la créature privilégiée de Dieu. Maintenant, dites-Moi: si un père a plusieurs enfants, mais que l’un d’eux est son privilégié, la pupille de son œil, et qu’on le tue, est-ce que ce père ne souffre pas plus que s’il s’agissait d’un autre de ses enfants ? Cela ne devrait pas être car le père devrait être juste avec tous ses enfants. Mais cela arrive parce que l’homme est imparfait. Dieu peut le faire avec justice car l’homme est l’unique créature dans la création qui possède en commun avec le Créateur l’âme spirituelle, marque indéniable de la paternité divine[21]".
La perception du Fils de l'homme[modifier | modifier le wikicode]
C'est dans la région de Césarée de Philippe que Jésus pose cette question à ses apôtres: "Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ?" Seul Matthieu, témoin oculaire, la rapporte en ces termes[22]. C'est ce que reprend Maria Valtorta[23]. Marc[24] et Luc[25] la formulent plus généralement: "Au dire des gens (des foules), qui suis-je ?" mais parlent par la suite du "fils de l'homme". Jean ne parle pas de l'épisode. La réponse que Jésus obtient, telle que rapportée dans Maria Valtorta, est l'occasion de voir comment l'humanité de Jésus est perçue, hier comme aujourd'hui:"Mais les gens, vous qui les approchez si familièrement plus que Moi, et sans la crainte que je peux leur inspirer, que disent-ils que je suis ? Et comment définissent-ils le Fils de l'homme ?"Ce passage illustre bien la polyvalence du titre "Fils de l’homme" dans la conscience populaire juive : tantôt compris comme un simple grand homme, tantôt comme un prophète, tantôt comme un mystère dépassant l’humanité — mais rarement reconnu comme le Fils de Dieu incarné."Certains disent que tu es Jésus, c'est-à-dire le Christ, et ce sont les meilleurs. D'autres t'appellent Prophète, d'autres seulement Rabbi, et d'autres, tu le sais, te disent fou et possédé."
"Quelques-uns pourtant se servent pour Toi du nom que tu te donnes[26] et ils t'appellent : "Fils de l'homme".
"Et certains aussi disent que cela ne peut-être, parce que le Fils de l'homme c'est une chose bien différente. Et cela n'est pas toujours négation car, au fond, ils admettent que tu es plus que Fils de l'homme : tu es le Fils de Dieu. D'autres, au contraire, disent que tu n'es même pas le Fils de l'homme, mais un pauvre homme que Satan agite ou que bouleverse la folie. Tu vois que les opinions sont nombreuses et toutes différentes" dit Barthélemy.
"Mais pour les gens, qu'est-ce donc que le Fils de l'homme ?"
"C'est un homme où sont toutes les vertus les plus belles de l'homme, un homme qui réunit en lui-même toutes les qualités requises d'intelligence, de sagesse, de grâce, dont nous pensons qu'elles étaient en Adam et certains, à ces qualités, ajoutent celle de ne pas mourir. Tu sais que déjà circule le bruit que Jean Baptiste n'est pas mort, mais seulement transporté ailleurs par les anges et qu'Hérode, pour ne pas se dire vaincu de Dieu, et plus encore Hérodiade, ont tué un serviteur et, après l'avoir décapité, ont présenté comme le cadavre du Baptiste le corps mutilé du serviteur. Les gens racontent tant de choses ! Ainsi plusieurs pensent que le Fils de l'homme est Jérémie ou bien Elie, ou l'un des Prophètes et même le Baptiste en personne, en qui étaient grâce et sagesse et qui se disait le Précurseur du Christ. Le Christ : l'Oint de Dieu. Le Fils de l'homme : un grand homme né de l'homme. Un grand nombre ne peut admettre, ou ne veut pas admettre, que Dieu ait pu envoyer son Fils sur la terre. Tu l'as dit hier : "Ne croiront que ceux qui sont convaincus de l'infinie bonté de Dieu". Israël croit davantage dans la rigueur de Dieu que dans sa bonté..." dit encore Barthélemy.
"Oui. En effet ils se sentent si indignes qu'ils jugent impossible que Dieu soit assez bon pour envoyer son Verbe pour les sauver. Ce qui fait obstacle à leur croyance c'est la dégradation de leurs âmes" confirme le Zélote, et il ajoute : "Tu dis que tu es le Fils de Dieu et de l'homme.
En effet, en Toi, se trouve toute grâce et toute sagesse comme homme. Et je crois réellement que quelqu'un qui serait né d'Adam en état de grâce t'aurait ressemblé pour la beauté, l'intelligence et toute autre qualité. Et en Toi brille Dieu pour la puissance. Mais qui peut le croire de ceux qui se croient dieux et qui mesurent Dieu sur eux-mêmes, dans leur orgueil démesuré ? Eux, les cruels, les haineux, les rapaces, les impurs, ils ne peuvent certainement pas penser que Dieu ait poussé sa douceur jusqu'à se donner Lui-même pour les racheter, son amour pour les sauver, sa générosité pour se livrer à l'homme, sa pureté pour se sacrifier parmi nous. Ils ne le peuvent pas, eux qui sont si impitoyables et pointilleux pour rechercher et punir les fautes[27]."
- Un simple homme : Le peuple pense que le "Fils de l’homme" est un homme vertueux, réunissant toutes les qualités originelles d’Adam. On insiste sur sa condition humaine, mais dans sa perfection. Jésus est "vrai homme", né de Marie, sans péché. Son humanité est réelle et complète. Il peut s’identifier à nos faiblesses et nous offrir une vraie rédemption. En même temps, il est le "bon Adam", le second Adam[28] qui répare la chute de l’homme. Sa vie, sa mort et sa résurrection ouvrent la voie à la dignité retrouvée de chaque être humain.
- Un prophète ou un envoyé: Les gens identifient Jésus au Baptiste, à Jérémie, à Élie ou à un autre prophète. En tant qu’homme, il devient le "médiateur entre Dieu et les hommes"[29]. Sans ce rôle, la grâce ne pourrait pas être transmise à l’humanité.
- Une figure eschatologique et céleste: Certains reconnaissent confusément que Jésus est "plus que le Fils de l’homme", pressentant sa dimension divine. Mais beaucoup résistent, car il leur paraît impossible qu’un Dieu de bonté s’abaisse jusqu’à s’incarner. Le titre renvoie à la royauté éternelle promise dans Daniel: le "Fils de l’homme" reçoit un règne qui ne passera jamais[30]. L’humanité du Christ n’enlève rien à sa divinité et à son autorité salvatrice.
Notes et références[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ En araméen "bar enash". En grec "ho huios tou anthrōpou".
- ↑ Matthieu : 30 fois | Marc : 14 fois | Luc : 25 fois | Jean : 13 fois | Actes des Apôtres : 1 fois.
- ↑ Matthieu 8,20.
- ↑ Ezéchiel 2,1.
- ↑ Marc 8,31 | Marc 10,45.
- ↑ Matthieu 24,30 | Mc 14,62.
- ↑ Cf. Philippiens 2,5-8: "Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix."
- ↑ L'Évangile tel qu'il m'a été révélé.
- ↑ La deuxième guerre mondiale.
- ↑ Signe avant-coureur.
- ↑ EMV 603.1/2.
- ↑ EMV 54.5. Voir aussi Colossiens 1,22.
- ↑ Cf. Genèse 1,27 | Jean 1,14.
- ↑ Cf. Jean 1,14 | Philippiens 2,6‑7.
- ↑ La chair, en effet, n’est pas indigne: le corps, créé à l’image de Dieu (Genèse 1,27) et incarné par le Verbe, possède une dignité intrinsèque et sert de moyen de grâce.
- ↑ Effectivement, la théologie catholique affirme que le Christ a deux natures : divine (impassible) et humaine (capable de souffrir). Ce n’est pas que le "Très Pur Esprit" ne peut souffrir, mais que c’est dans sa nature humaine que la souffrance se réalise (cf. la doctrine de l’union hypostatique).
- ↑ Cf. Exode 3,14.
- ↑ Cf. Colossiens 1,15 | Apocalypse 1,5.
- ↑ Cf. Romains 5,12‑21 |1 Corinthiens 15,22.
- ↑ Cf. Hébreux 2,14‑15 | 1 Pierre 2,24.
- ↑ EMV 126.3. Cf. aussi 2 Corinthiens 6,16 | 1 Pierre 1,16.
- ↑ Matthieu 16,13: "Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ?"
- ↑ EMV 343.4.
- ↑ Marc 8,27.
- ↑ Luc 9,18.
- ↑ Dans l'Évangile, seul Jésus se désigne ainsi.
- ↑ EMV 343.4.
- ↑ Cf. Romains 5,15-19.
- ↑ CEC § 480.
- ↑ Daniel 7,13-14.