Acte d'offrande à l'Amour miséricordieux et à la Justice divine

    De Wiki Maria Valtorta
    Histoire d'une âme, 1924, archives du carmel de Lisieux
    Comme elle l'explique dans son Calendrier mystique, l'Acte d'offrande de Maria Valtorta se fit en plusieurs étapes :
    • 1925 : Acte d’offrande à l’Amour miséricordieux, dans la suite de la découverte de celui de Ste Thérèse de Lisieux ;
    • 1931 : Acte d’offrande en victime à la Justice divine et à l’Amour. "Mon acte d'offrande" précise-t-elle.

    1925 : Acte d’offrande à l’Amour miséricordieux

    Les circonstances

    À 27 ans, une lecture va bouleverser Maria Valtorta et donner une orientation définitive à sa vie. Elle le raconte dans son Autobiographie[1]. Elle avait de l'argent de poche qu'elle décide d'investir dans l'achat des quatre évangiles et l’Histoire d’une âme de Ste Thérèse de Lisieux. Elle charge une de ses amies des achats.
    "Le 28 janvier 1925 je reçus un gros paquet contenant les livres que j’avais demandés, ainsi qu’un volume, ajouté par ma chère ancienne camarade de collège, qui était un livre de commentaires de l’Évangile à l’usage des jeunes [...] Je me mis aussitôt à lire l’Histoire d’une âme[2]. J’avais l’impression de me retrouver au collège. Mais au collège les sœurs s’étaient arrêtées, dans la lecture, à la vie proprement dite et aux souvenirs et conseils. Moi, possédant l’œuvre en entier, je pus aller plus loin.

    Mon âme se liquéfiait d’amour. J’avais trouvé la joueuse d’harpe capable de faire vibrer les cordes de mon esprit. J’aurais bien voulu les faire chanter vers Dieu, mais je n’y étais pas encore arrivée. La petite sainte Thérèse, de sa petite main, m’avait pris la mienne et la conduisait sur les cordes, m’enseignant le cantique de l’amour et du don.

    Lorsque je fis lecture de l’acte d’offrande à l’Amour miséricordieux, je pleurai de joie… J’avais trouvé ce que je cherchais. Si pour entrer dans le tiers ordre franciscain je m’étais imposée un temps d’essai, ici je n’attendis pas un instant. Cela faisait deux ans que je cherchais une maîtresse spirituelle, qui puisse me servir de marraine dans mon rite de sacrifice à Dieu. Je venais enfin de la trouver !

    Je décidai de faire une très bonne confession, une communion fervente, meilleures encore que d’habitude, puis de prononcer mon acte d’offrande [...]Le soir, dans la chambre où je suis maintenant, avec une grande émotion d’amour, je m’agenouillai par terre et je fis lecture de mon acte d’offrande. Depuis lors, je le renouvelle chaque jour.

    Les souffrances sont arrivées sur moi comme la pluie depuis ce jour-là. Mais s’il était permis à l’homme d’effacer le temps vécu et si je devais revenir à ce 28 janvier 1925, le jour où je reçus ces livres, je referais ce que j’ai fait avec encore plus de joie, parce que au cours des ces dix-huit ans, au sein de l’océan de peines dans lequel j’ai été immergée, j’ai toujours goûté, avec la meilleure partie de moi-même, une joie spirituelle qui, je crois, est une anticipation de celle dont on jouira dans la Jérusalem céleste, “là où la joie s’éternise”.

    Je peux répéter moi aussi avec la Petite Fleur: “Depuis ce soir-là a commencé pour moi une période nouvelle de ma vie, la plus belle de toutes, la plus comblée de grâces célestes. La charité entra dans mon cœur avec un grand besoin de m’oublier, de me donner. Et depuis lors j’ai toujours été heureuse”.

    Le texte

    Elle décide alors de s’offrir solennellement "à l’Amour miséricordieux" et le fait le dimanche 7 juin 1925, fête de la sainte Trinité, trente ans exactement après que sainte Thérèse fit de même en cette même solennité. Le contenu de cette consécration devait être semblable à celui de la petite Thérèse, car Maria ne nous en n’a pas laissé de texte. Sans doute le texte devait-il s’inspirer de celui de Thérèse de l’Enfant-Jésus qui écrivait notamment :
    "Afin de vivre dans un acte de parfait Amour, je m’offre comme victime d’holocauste à votre Amour miséricordieux, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en vous et qu’ainsi je devienne Martyre de votre Amour ô mon Dieu !"

    1931 : Acte d’offrande en victime à la Justice et à l’Amour

    Les circonstances

    Maria Valtorta expérimente alors la puissance du "don victimal" :
    "Le chrétien qui a été sauvé par un Dieu mort sur la croix, regimbe contre la souffrance, contre n’importe quelle sorte de souffrance. Il ne connaît pas la beauté de la souffrance, la puissance de la souffrance, la transformation en Dieu qu’opère en nous la souffrance. Pour ma part j’ai remarqué que si pendant un mois je prie comme une machine, jusqu’à fatiguer ma tête et mon estomac, le plus souvent je n’obtiens rien. Mais il me suffit de souffrir une heure et d’offrir ma souffrance pour un but déterminé et j’obtiens n’importe quoi. Le sacrifice est le salut du monde et des âmes. Les âmes et le monde sont toujours sauvés par le sacrifice de ceux qui sont plus généreux. Ces réflexions m’envahissaient au point qu’il était devenu évident pour moi qu’était venu le moment d’accomplir une offrande plus stricte à la Justice divine[3].
    C'est la période où les relations se tendent entre le pouvoir fasciste et l'Action catholique auquel elle appartient. Elle a alors le sentiment que de graves évènements se préparent.
    "Je décidai d’accélérer mon cheminement. J’avais fixé mon offrande à la Justice divine au 8 septembre, afin de mettre mon vœu de souffrance sous la protection de la sainte Vierge. Mais maintenant il n’était pas opportun de retarder encore. Les circonstances me l’indiquaient. Aussi demandais-je à Dieu de m’inspirer lui-même la formule à adopter.

    Quelques jours plus tard, c’était le premier vendredi du mois de juin. À la messe, entourée par les jeunes associées, je connus une heure de véritable agonie de sang... J’ai vu dans ma tête tout ce qui se préparait: guerres, famines, morts, massacres... et désespoirs à n’en plus finir. Quelle souffrance! Et moi qui ne pleure jamais en public, je pleurais avec une telle amertume que j’en étais aveuglée. À la fin de la messe on dut m’aider à sortir, parce que je n’y voyais plus rien, tellement mes larmes avaient été abondantes... Mes camarades les plus gentilles me demandèrent ce qui m’arrivait... Je leur racontais ce qui se passait, sans toutefois dévoiler, dans une juste pudeur, certains détails.

    Quelques jours plus tard, je sentis fleurir dans mon cœur l’acte d’offrande tel que je l’ai écrit et prononcé le premier juillet, fête du précieux Sang. Y avait-il un jour mieux indiqué pour choisir de m’unir à la Victime dont le sang divin avait entièrement coulé pour calmer la justice du Père? Y avait-il un plus beau nom à choisir pour moi, à partir de ce moment-là, que celui de “Maria de la Croix”? [...] La Croix était mon amour et je la voulais comme mon autel. La croix était la compagne de ma vie depuis mon enfance et maintenant, poussée par un aiguillon surnaturel, je demandais la grande Croix pour y être immolée. Ce nom me revenait donc et me convenait parfaitement. Et ce sera le nom qui me restera aux yeux de Dieu tant que je vivrai et même au-delà...

    Aussitôt après m’être offerte au martyre de l’amour s’ajouta un martyre de souffrance aiguë dans la chair, accentuée dans l’esprit par une austérité qui semblait peser sur mon être.

    Je m’explique, ou tente de m’expliquer. Je ne me sentais pas abandonnée par Dieu. Non. Son amour veillait toujours sur moi. Mais si Jésus me caressait, le Père accentuait le poids de sa main sur mon cœur. C’est alors que commença une période de dures pénitences. Tout ce qui avait jusqu’alors constitué la partie sensible de l’amour surnaturel avait disparu. J’entends parler de ces doux songes qui depuis des années constituaient mon réconfort. J’entends parler de cette certitude où j’étais que Dieu nous aurait épargnés ce que nous vivons actuellement. Elle était venue immédiatement, totale et obscure, l’heure du Gethsémani… et elle a duré, je pourrais dire, dix longues années, parce que c’est seulement à partir de 1941 que son âpreté a diminué.

    N’allez pas imaginer que j’ai ressenti une aridité du cœur. Non, cela jamais. De même que je ne suis jamais restée privée du réconfort de l’amour du Christ. Mais j’ai souffert intensément et moralement en percevant exactement ce qui allait advenir dans le monde... J’ai pleuré toutes mes larmes à cause de cela. J’ai beaucoup pleuré en implorant l’Éternel d’éloigner ce terrible fléau, et je me suis mortifiée pour cela dans d’âpres pénitences pour calmer, apaiser, plaquer la Justice divine. Si bien que lorsque le fléau s’est déclenché, et que tout le monde perdit plus ou moins la tête, je n’avais plus de larmes pour pleurer. Je m’étais déjà torturée à l’avance en voyant se dérouler cette terrible tragédie... J’ai souffert physiquement dans un déchaînement de douleurs, les unes plus terribles que les autres, et la série ne s’est pas encore éteinte... J’ai ressenti toutes les douleurs possibles dans mon corps qui est devenu un inventaire de symptômes médicaux! Et, ce qui est pire, c’est que ces souffrances n’ont pas laissé indemne la partie spirituelle de mon être, mais l’ont troublée dans un déchaînement de sensations qui, à elles seules, constituent déjà un martyre... Mais j’en parlerai au moment voulu. Ce qui est certain c’est que la Justice ne m’a épargnée en aucune façon. Et vous pourrez le constater vous aussi[4].

    Le texte

    Ce texte est reproduit dans Les Cahiers de 1945 à 1950, au 10 février 1946, p. 182-185.
    "Oh mon Dieu, origine et fin de toute puissance, de toute sagesse et de tout bien, Amour éternel et incréé, Trinité sainte, sois bénie maintenant et toujours, aimée et adorée pour les siècles des siècles.           

    Afin que cet amour pour toi s’étende et envahisse toute la terre et que le Royaume du Christ s’y instaure en apportant aux hommes la paix, cette paix qui vient de toi seul, afin que les âmes se tournent vers toi, la fontaine d’eau vive qui désaltère toutes les soifs et procure la vie éternelle, moi, malgré ma misère et mes péchés, j’ose, de l’abîme de mon néant, élever mon cœur et ma vie, tout mon être, vers toi, Trinité bienheureuse, et t’offrir ce néant en hostie d’expiation et d’amour pour l’avènement de ton règne, pour que fleurisse ta paix, pour la rédemption des âmes, de ceux que j’aime et que je connais, de celles qui me sont chères entre toutes en raison des liens qui m’unissent à elles, comme aussi de celles qui me sont inconnues ou ennemies.         

    Puisse ce sacrifice que je t’offre te plaire, ô Dieu, par l’intercession de Marie et de saint Joseph, malgré sa petitesse. C’est tout ce que je peux te donner, mais je le fais avec joie pour la conversion des âmes, la paix du monde, la prospérité, tranquillité, paix et tout autre bien de ma patrie, pour le triomphe de l’Église sur ses ennemis, pour le retour à Dieu de ces nations qui sont devenues la proie de Satan et des schismes, pour la perfection du sacerdoce, mon salut éternel, celui de mes parents et de toutes les âmes que j’ai aimées, instruites dans ta Loi et dirigées vers toi.    

    Si je comparais la splendeur de ta puissance à ma misère, je serais anéantie devant une telle toute-puissance; si je confrontais ma nullité et ma faute à ta perfection, il me faudrait fuir comme un indigne loin de ta face; mais j’ai confiance en toi, comme cela te plaît, et je me donne à toi tout entière, avec mon passé, mon présent, mon avenir, mes fautes, mes efforts vers le bien, mes chutes, mes immenses désirs d’amour pour toi et pour les âmes. Je pense que tu es Amour; Miséricorde, Bonté; tu es le Père, le Frère, l’Epoux de nos âmes, tu es la Charité faite chair et tu ne repousses personne de ton sein débordant d’amour. Je suis donc sûre que tu te pencheras avec pitié sur ta petite esclave pour en accueillir l’offrande, en entendre la prière et consentir à ses désirs.     

    Ah! Je resterai à tes pieds aussi longtemps qu’il te plaira, en attendant ton sourire qui me révélera que mon offrande est acceptée; l’attente ne m’effrayera pas, car je sais qu’elle est une épreuve que tu m’envoies pour éprouver ma foi, pas plus que ne m’effrayera ma nullité, puisque je la recouvre des mérites de mon Bien-Aimé qui vit en moi. Et je reprends les mots ineffables de mon Verbe adoré, de mon Maître et Rédempteur pour te présenter ma prière, à toi, l’Eternel:  "Père, pardonne aux hommes parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font, pardonne en raison des mérites du Christ, de Marie, des martyrs et des saints; et si, pour apaiser ta Justice offensée, de nouvelles hosties d’expiation sont nécessaires, me voici, ô Père, immole-moi pour la paix entre l’homme et Dieu, entre l’homme et l’homme, pour l’avènement de ton règne". 

    Ô mon Bien-Aimé, ton Cœur saigne d’être sans cesse blessé par cette marée de fautes qui envahit la terre, et ta soif d’amour augmente chaque jour alors que l’humanité s’éloigne de toi. Oh ! Prends-moi comme hostie consolatrice de ton amour bafoué. Je voudrais renouveler cette offrande chaque fois qu’une faute te blesse et qu’une nouvelle offense est proférée contre la sainte Trinité, je voudrais être innocente et riche de mérites pour être plus à même de te consoler; je voudrais avoir à mes côtés des multitudes d’âmes prêtes à s’offrir à ton amour. Mais je suis pauvre et seule, coupable moi aussi.           

    Toutefois, mon incapacité, ma misère, ma solitude ne m’effraient pas; je suis comme cela te plaît, cela me suffit et m’encourage à m’offrir à toi. C’est toi qui as mis dans mon cœur cette soif toujours croissante d’amour et d’immolation, et cela m’apprend que tu me veux moi aussi, pauvre et faible comme je le suis, un vrai rien, perdu face à ton immensité. 

    Consciente de cette petitesse qui est la mienne, je te prie de ne pas me traiter en épouse ou en sœur. Tu es le Maître du ciel et de la terre, je suis un grain de poussière... Tu es le Roi des rois, moi le dernier de tes Sujets. Mais de même que, dans un palais royal, il y a d’une part les intimes du souverain qui passent leurs journées avec lui, unis par l’affection, et d’autre part les serviteurs dont le seul devoir est d’obéir, je désire, mon Bien-Aimé, que tu me considères comme une servante — ou encore moins —. Je veux être l’esclave dont le seul but est de servir son Seigneur avec humilité et fidélité. Je veux être l’instrument aveugle utilisé pour le triomphe de l’Amour miséricordieux sur terre, l’humble servante qui se donne tout entière pour la cause de son roi, la créature qui se tient dans la poussière au pied de ton trône pour recouvrir de son pauvre chant les hurlements blasphématoires des pécheurs, pour consoler par son fidèle amour ton Cœur transpercé, pour te gagner une multitude d’âmes par son sacrifice ignoré. Tu l’as dit toi-même, mon Jésus bien-aimé: celui qui montre le plus grand amour est celui qui donne sa vie pour ses amis. Voici, je viens, je m’offre à toi, mon seul et parfait ami, afin que ton Règne s’établisse sur la terre comme dans les cœurs des hommes.      

    Tu as encore dit : "Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi". Je désire moi aussi, à ton imitation, être élevée sur la croix de souffrance, sur ta croix de salut que la plupart fuient avec terreur; crucifiée avec toi, pour toi, je veux expier pour ceux qui pèchent, t’obéir pour ceux qui se rebellent, te bénir pour ceux qui te maudissent, t’aimer pour ceux qui te haïssent, te supplier pour ceux qui t’oublient, vivre, en un mot, dans un acte d’amour parfait, en rapportant tout à toi, en te reconnaissant en tout, en aimant tout par toi et en toi, enfin en acceptant tout de toi, mon Bien infini. 

    Ô mon Bien-Aimé, par la croix que je te demande, par la vie que je t’offre, par l’amour auquel j’aspire, fais de moi une heureuse victime de ton Amour miséricordieux. Que je vive en lui et de lui, que j’agisse sous son impulsion, que chacun de mes actes, paroles, pensées et actions portent le sceau de cet amour.

    Qu’il soit mon bouclier et ma purification, ma joie et mon martyre, qu’il soit fusion toujours plus intime avec toi, jusqu’à cette fusion ultime dans laquelle l’âme, libérée, s’envole pour s’unir à toi afin de t’adorer et t’aimer parfaitement pour l’éternité bienheureuse."

    Aller plus loin dans la découverte

    Notes et références

    1. Autobiographie, p. 312-317.
    2. Maria Valtorta lisait le français.
    3. Autobiographie, p. 369.
    4. Autobiographie, p. 373-375.