Benoît XVI et Maria Valtorta

    De Wiki Maria Valtorta
    Benoît XVI
    SS. le Pape Benoît XVI (1927-2022) - Pontificat du 19 avril 2005 au 28 février 2013

    On ne connaît officiellement que ses positions sur Maria Valtorta en tant que Préfet de la Congrégation pour la foi.  

    Lettre du Cardinal Siri au Cardinal Ratzinger, 1985.

    En 1985, quatre ans après sa nomination, il eut à se prononcer sur Maria Valtorta à la demande du cardinal Siri, celui-là même qui en 1956 aurait volontiers examiné pour imprimatur la vie de Jésus de Maria Valtorta s’il n’avait pas été empêché de le faire par le Saint-Office.

    Le cardinal Ratzinger ne fournit que deux documents officiels : la mise à l'Index et son décret de suppression. Il y joint un avis personnel d'autorité. La réponse du Préfet de la congrégation pouvait se résumer ainsi : grande réserve vis-à-vis de l’œuvre de Maria Valtorta, car il craignait l’impact de cette vie de Jésus sur les lecteurs "naïfs". 

    De la réserve au 'Nihil obstat"

    Mais au début des années 90’, il put mieux connaître Maria Valtorta par l’un des périodiques qu’il lisait volontiers : l’Homme Nouveau, dirigé alors par Marcel Clément. L’abbé André Richard y publiait régulièrement des articles sur la mystique. Marcel Clément reçut un jour une lettre du cardinal Ratzinger : il voulait vérifier quelques points sur la théologie du mariage qui lui semblait janséniste dans Maria Valtorta. Marcel Clément réunit alors la rédaction pour demander de suspendre tous les articles sur Maria Valtorta dans l’attente de l’examen. Un an après, le Préfet remerciait l’Homme Nouveau pour son obéissance et déclarait que, vérifications faites, rien ne s’opposait à la poursuite des publications. La correspondance est actuellement en train d’être recherchée dans les archives, mais des collaborateurs directs ont témoigné de l’exactitude des faits[1].

    Cela explique le changement d’attitude du futur Benoît XVI : Dans Pro e contro Maria Valtorta[2], Emilio Pisani rapporte que le 30 juin 1992, il eut l’occasion de se rendre au Palais du Saint-Office où un prélat de la Secrétairerie d’État lui aurait signalé que "Là-haut" on avait changé d’avis sur Maria Valtorta et que sa vie de Jésus pouvait être considérée "comme un bon livre". Ce qui enclencha la lettre de la conférence des évêques d’Italie que certains estiment être une condamnation mais qui est un avertissement au lecteur, non un jugement sur l'œuvre. C'est la simple traduction pastorale de l’attitude à avoir envers les révélations privées ;: même reconnues, elles doivent être crues de foi humaine prudentielle, mais non divine. Pie XII, en d’autres termes, avait dit de même.

    Cela explique aussi la lettre de Mgr Danylak qui, le 13 février 2002, mentionne, dans son imprimatur, que le cardinal Ratzinger "en lettres privées, a reconnu que cet ouvrage est exempt d'erreurs de doctrine ou de morale", ce qui équivaut à un "Nihil obstat".    

    Tombe de Maria Valtorta - Santissima Annunziata de Florence

    Cela explique enfin l’attitude qu’eut le cardinal Ratzinger une fois devenu pape :        

    - Les cérémonies du cinquantième anniversaire de la mort de Maria Valtorta (15 octobre 2011) se sont déroulées sous la présidence de Mgr Pier Giacomo De Nicolò, ancien nonce apostolique. La commémoration a eu lieu à la Santissima Annunziata de Florence où Maria Valtorta est enterrée, un haut lieu des Servites de Marie.  

    - Dans la dernière année de son pontificat, il béatifie coup sur coup, deux défenseurs affichés de Maria Valtorta : Mère Maria Inès du Très Saint-Sacrement (1904 –1981), fondatrice des Missionnaires clarisses du Très saint Sacrement. Elle avait demandé qu'un exemplaire de l'Évangile tel qu'il m'a été révélé figure dans chacune des maisons qu'elle avait fondé, puis le 29 septembre 2012, le Père Gabriele Allegra, bibliste traducteur de la Bible en chinois, ouvertement favorable à Maria Valtorta dont il confirmait l’inspiration divine.

    Il entreprit enfin la béatification de Mgr Luigi Novarese que le Pape François a achevée. Ce prélat connaissait Maria Valtorta qu’il rencontra et sa vie de Jésus qu’il appréciait pour en avoir entendu parler à la Secrétairerie d’État de Pie XII, par son ami, Mgr Carinci. On imagine mal que tout cela ce serait appliqué à une œuvre nocive ou futile, condamnée irrémédiablement selon certains.

    Réfutations

    On a attribué au cardinal Ratzinger le contenu d'une réponse de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à une fidèle canadienne. Cette lettre datée du 9 septembre 1988, rédigée par Josef Clemens, le secrétaire personnel du cardinal affirmait que l'ouvrage de Maria Valtorta était "un ensemble de fantaisies enfantines, d’erreurs historiques et exégétiques, le tout présenté dans un contexte subtilement sensuel"[3]. La lettre disait :
    "Il est vrai que le Poème de l’Homme-Dieu de Maria Valtorta a été mis à l’Index en 1959 et a été décrit par L’Osservatore Romano (6 janv. 1960) comme une version complètement romancée de la vie de Jésus. L’Index a, depuis, été supprimé, mais les raisons pour la censure originale sont toujours valides ; cet ouvrage est un ensemble de fantaisies enfantines, d’erreurs historiques et exégétiques, le tout mis dans une veine subtilement sensuelle."
    Il convient de rappeler que le Vatican n'est pas un critique littéraire[4] car cela n'a rien à voir avec la foi catholique. D'autre part, le motif de la mise à l'Index (aboli en droit et en conséquences) est disciplinaire : absence d'imprimatur préalable[5]. La citation attribuée au cardinal Ratzinger par Yves Chiron n'est ni de lui, ni de l'Osservatore romano, mais du Père Giovanni Caprile dans Civiltà cattolica en date du 1er juillet 1961 qui écrivait à propos de la seconde édition :
    "(Cette œuvre est) un monument de la puérilité, des fantasmes et des faussetés historiques et exégétiques, diluées dans une atmosphère subtilement sensuelle, dues à la présence d’un essaim de femmes à la suite de Jésus. Un monument, bref, de pseudo religiosité."
    L'œuvre de Maria Valtorta, comme les Évangiles, décrivent effectivement "un essaim de femmes à la suite de Jésus" jusqu'au Golgotha (Marc 15,40-41), mais ils n'évoquent pas d'atmosphère "subtilement sensuelle" comme le signale le P. Caprile. Quand aux "faussetés historiques et exégétiques" évoquées sans plus de précisions dans son article comme dans l'Osservatore romano, elles avaient fait l'objet d'une étude et d'une communication du cardinal Bea, directeur de l'Institut biblique pontifical et confesseur de Pie XII. Il se disait "très impressionné par le fait que ses (Maria Valtorta) descriptions archéologiques et topographiques sont faites avec une exactitude remarquable"[6]. La revue jésuite Civiltà cattolica, pour sa part, changea d’attitude par la suite : elle parla par deux fois de l’œuvre de Maria Valtorta, une première fois le 22 décembre 1979 dans une lettre rassurant un lecteur sur le caractère licite et édifiant de sa lecture malgré la mise à l’Index, une seconde fois le 4 octobre 1986 pour réprimer un livre ouvertement hostile à Maria Valtorta et à ses écrits.

    Tous ces éléments étaient connus au moment où Josef Clemens écrit à la lectrice canadienne. Voir donc dans son courrier de 1988, l'opinion officielle de l'Eglise exprimée par le cardinal Ratzinger serait dévalorisant pour l'une et pour l'autre.

    Le législateur des révélations privées

    Benoît XVI Ratzinger est, avec son presque homonyme, Benoît XIV Lambertini, un pape législateur des révélations privées. Les deux précisèrent la doctrine de l'Eglise en un domaine qui était objet de polémiques à leur époque respective.

    • Pour Benoît XIV Lambertini, il s'agissait notamment des visions de Marie d'Agreda qui se cristallisait autour de l'Immaculée conception qu'elle annonçait mais qui était contestée. Le cardinal Prospero Lambertini codifia les révélations privées, et son ouvrage, De Servorum Dei Beatificatione et Beatorum Canonizatione (De la béatification et la canonisation des saints). fait toujours référence.
    • Pour Benoît XVI Ratzinger il s'agit plutôt d'une incompréhension généralisée qui trouve son illustration dans les conclusions du synode sur La Parole de Dieu dans la vie et le mission de l'Église (2008). La résolution 47 traitait les révélations privées en une simple phrase très générale : elles ne sont pas la Révélation publique. Ce qu'elles sont, la synode ne le disait pas, il noyait cette phrase générale dans un chapitre entièrement consacré aux sectes. C'est pourquoi Benoît XVI crut bon de développer ce point dans son motu proprio Verbum Domini, § 14. Il reprenait à cette occasion, - notamment dans la deuxième partie de ce paragraphe, - toute sa réflexion théologique sur ce sujet construite à partir de 1992.

    Maître du sujet, il peut qualifier les révélations de Ste Brigitte, copatronne de l'Europe, de "révélations divines" tout en les contextualisant dans le cadre des apports et de la place des révélations privées (Audience générale du mercredi 27 octobre 2010).

    Notes et références

    1. Voir le témoignage de Geneviève Esquier en toute fin d’article. Journaliste aujourd’hui à Marie de Nazareth, elle était à l’époque à l’Homme Nouveau et fut témoin oculaire des faits rapportés.
    2. Pro e contro Maria Valtorta {it}, 7 ème edition, page 280/281.
    3. Yves Chiron, "Le lobby valtortiste", Aletheia,‎ n° 260 1, 17 juillet 2017
    4. Des grands romans comme Notre-Dame de Paris ou Les misérables de Victor Hugo ont été mis à l'Index comme Les trois mousquetaires d'Alexandre Dumas.
    5. Obligation abolie, elle aussi, depuis 1975.
    6. Attestation du 23 janvier 1952.