Cardinal Édouard Gagnon et Maria Valtorta
Voir aussi : Imprimatur verbal de Pie XII et sa valeur canonique.
Né le 15 janvier 1918 et décédé le 25 août 2007, Édouard Gagnon (1918-2007) était réputé comme spécialiste de la censure des livres, thème pour lequel il avait écrit en 1944 une thèse pour l’obtention du doctorat en droit canonique[1].
Selon ce que rapporte le Père Oliva Melançon, il avait estimé tout à fait conforme aux exigences du droit canonique "le genre d'imprimatur accordé par le Saint-Père en 1948 devant témoins"[2].
Le Père Corrado Berti, l'une des trois personnes reçues en audience[3] le 26 février 1948, rapporte en effet que le Saint-Père avait encouragé la publication de l’œuvre de Maria Valtorta "telle quelle" sans se prononcer sur l’origine "extraordinaire" ou pas; cette question étant laissée à chaque lecteur individuellement. Le Souverain Pontife avait ensuite incité ses interlocuteurs à se mettre en quête de l'imprimatur d'usage selon ce que rapporte le Saint-Office.
Correspondances avec le professeur Léo A. Brodeur[modifier | modifier le wikicode]
Le professeur Léo A. Brodeur (1925-2001) fut, de 1963 à 1990, professeur titulaire au Département d’études françaises à l’Université de Sherbrooke (Québec - Canada). Il est aussi connu pour ses engagements dans l'étude et la promotion des écrits de Maria Valtorta. C'est à ce titre qu'il fut le Président-fondateur du CEDIVAL (Centre de Diffusion Valtortien) et du Maria Valtorta Research Center (Sherbrooke).
Il traduisit plusieurs ouvrages sur ce cas dont "La Madonna negli scritti di Maria Valtorta" (La Vierge Marie dans les écrits de Maria Valtorta) dans lequel le P. Gabriel M. Roschini fondateur de l'université pontificale mariale et consulteur au Saint-Office, avoue avoir fait une vraie découverte: "Aucun autre écrit marial, pas même la somme de tous ceux que j'ai lus et étudiés, n'avait été en mesure de me donner sur Marie, chef-d'œuvre de Dieu, une idée aussi claire, aussi vive, aussi complète, aussi lumineuse et aussi fascinante, à la fois simple et sublime, que les écrits de Maria Valtorta[4]."
Le professeur Brodeur a entretenu une grande correspondance (dont celle avec le cardinal Édouard Gagnon) et donné plusieurs conférences dont celle sur les "Ressemblances entre L'Évangile tel qu'il m'a été révélé de Maria Valtorta et les Exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola".
Il a également animé une newsletter sur Valtorta, qui a été publiée de l’édition 1 (février 1988) à l’édition 11 (automne 1996) et a rédigé en collaboration avec son fils Paul-Claude Brodeur : Fireworks: Sunrise of Truth Encyclopedia, Vol. 1[5].
Plusieurs de ses travaux de recherches sont inédits à ce jour (2025) notamment ses études des Les Cahiers de 1943 et des Les Cahiers de 1944.
Contexte de sa lettre au cardinal Édouard Gagnon[modifier | modifier le wikicode]
En 1987, le professeur Léo A. Brodeur entretint une correspondance avec son compatriote canadien sur plusieurs points touchant à Maria Valtorta pour laquelle il était très engagé; et notamment la valeur canonique de cet imprimatur verbal. Ce point avait pris de l'importance car après la mort de Pie XII, l'œuvre de Maria Valtorta fut mise à l’Index. Le motif canonique de cette condamnation, désormais abolie, était justement le défaut d'imprimatur. Au moment de cette correspondance, dont nous ne possédons qu'une lettre, le cardinal Édouard Gagnon était président du Conseil pontifical pour la famille[6]et siégeait donc au Vatican.
Cette lettre en réponse nous a été fournie par Paul-Claude Brodeur, son fils avec qui il collaborait. Elle fait suite à un échange antérieur, mais la lettre reçue précédemment (5 février 1987) du cardinal Édouard Gagnon, ainsi que celles du Professeur Léo Brodeur, n'ont pas été retrouvées.
Contenu[modifier | modifier le wikicode]
Dans cette lettre le cardinal Édouard Gagnon bien qu’il "ne connaisse pas l’œuvre [de Maria Valtorta] personnellement", se fait écho de ce qui s'en dit et ne fait que reproduire les documents officiels du Vatican, les deux seuls qui fassent autorité à l'époque sur le cas de Maria Valtorta: sa mise à l'Index commentée par un article de l'Osservatore romano et l'abolition de cette procédure.
C'est l'époque aussi où le cardinal Josef Ratzinger répond au cardinal Siri en lui exprimant, à titre personnel, sa réticence au regard de l'œuvre de Maria Valtorta qu'il ne connaît pas. Dans ce contexte le cardinal Édouard Gagnon a toutes les raisons de mettre en garde Léo Brodeur. Ce qu'il fait en s'appuyant cependant sur des affirmations inexactes: le "genre d’Imprimatur officiel accordé par le Saint-Père en 1948 devant témoins" est effectivement valable au regard du code de droit canonique de 1917, mais:
- Il n'a pas été aboli par celui de 1983 qui organise différemment la procédure sans abolir la primauté du pape en la matière et surtout sans invalider les décisions antérieures.
- L'abolition de la mise à l'Index fait substituer un "avertissement à la conscience mature des fidèles" mais ne maintient pas, de manière détournée, la condamnation ce qui serait un subterfuge.
Ce témoignage historique reflète un avis individuel d'expert mais non une exégèse de Maria Valtorta qu'il ne connaît pas.
Correspondance avec le Père Kevin Robinson de la FSSPX[modifier | modifier le wikicode]
En 1987, le cardinal Édouard Gagnon fut missionné par le pape Jean-Paul II pour une mission d'évaluation et de modération de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX) fondée par Mgr Marcel Lefebvre. La visite se déroula du 8 novembre au 8 décembre 1987. Peut-être a-t-il tissé des liens ou s'est-il tissé une image particulière à cette occasion car quelques années plus tard le Père Kevin Robinson l'interroge sur Maria Valtorta et l'imprimatur verbal de Pie XII.
Dans sa réponse du 3 janvier 1992, datée de Rome et écrite au dos d'une carte postale, il écrit:"Je ne suis pas autorisé à donner un jugement officiel sur les livres de Maria Valtorta. Vous devriez écrire au cardinal Ratzinger. Une chose a été dite plusieurs fois par le Saint-Office : que Pie XII n’a jamais donné d’Imprimatur.Dans cette deuxième correspondance, on peut observer que:Je connais beaucoup de personnes ayant une bonne formation chrétienne de base qui utilisent l’interprétation de M.V. comme une aide à la méditation sur l’Écriture. Mais le danger est de leur accorder la même valeur, voire une valeur supérieure, à celle de l’Écriture, inspirée par l’Esprit Saint, et où nous trouvons tout ce dont nous avons besoin pour connaître la vie et la Passion du Christ.
Si de nombreuses requêtes sont adressées à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (le Saint-Office), ils pourraient clarifier cette position, qui reste encore négative.
Fraternellement en Jésus, Marie et Joseph,
Cardinal Gagnon (Via Porta Angelica, 31–00193 Rome, Italie)
- Il confirme la négation de l'encouragement de Pie XII par le Saint-Office. Il a en effet procédé à la mort de Pie XII à la reconstitution du dossier: le dossier de Maria Valtorta enregistré sous le numéro 355/45[7] sous Pie XII, est renuméroté 144/58[8] à sa mort.
- Il reconnaît les fruits spirituels qu'encouragera le Pape François en 2024.
- Sa position a légèrement évolué par rapport à sa correspondance de 1987 avec Léo A. Brodeur: s'il déconseille toujours la lecture "risquée" de Maria Valtorta, il a commencé à se renseigner et conseille une information plus complète en direction du cardinal Ratzinger.
Ce qu'il ignore c'est qu'à cette époque le cardinal Ratzinger a découvert l'œuvre de Maria Valtorta à la lecture des articles que l'abbé André Richard publiait dans L'Homme nouveau, un magazine français qu'il lisait régulièrement. Il a demandé au rédacteur en chef de surseoir à la diffusion de l'œuvre le temps de vérifier la conformité doctrinale. Ce qui fut fait et aboutit, un an plus tard, à l'autorisation de reprendre la diffusion.
Notes et références[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ ÉDOUARD GAGNON - La censure des livres : étude historique et juridique des canons relatifs à la censure préalable des livres" - Québec, Université Laval, 223 f.
- ↑ Cité par le Père Oliva Melançon de la congrégation de Sainte-Croix, dans son livre Exorcisme et pouvoirs des laïcs, édition Bénédictines, octobre 1996, page 17. "Consulté à ce sujet, le cardinal Gagnon, qui a déjà préparé une thèse de doctorat en Droit canonique sur "La censure des livres", jugeait comme étant tout à fait conforme aux exigences du Droit canonique "le genre d'imprimatur accordé par le Saint-Père en 1948 devant témoins" : ce qui infirmait tout à fait les condamnations subséquentes faites par un Dicastère romain au sujet des œuvres de Maria Valtorta..."
- ↑ PP. Andrea Cecchin, Corrado Berti, Romualdo Migliorini.
- ↑ GABRIEL M. ROSCHINI, La Vierge Marie dans l'œuvre de Maria Valtorta, éd. Kolbe (Canada), 1983, p.7.
- ↑ The Maria Valtorta Research Center. Kolbe’s Publications : Sherbrooke, Canada, 1996. ISBN : 2920285009. Version archivée en ligne.
- ↑ Fonction qu'il assura pendant 16 ans (1974 à 1990).
- ↑ 355° dossier de l'année 1945 enregistré par le Saint-Office. Aux dires d'Alexis Maillard (ouvrage, p.6), il est épais "d'une quinzaine de centimètres" et est accessible depuis l'ouverture des archives du pontificat de Pie XII (2020).
- ↑ 144° dossier enregistré par le Saint-Office (il ne deviendra Congrégation pour la Doctrine de la Foi qu'en 1965) pour l'année 1958, année de la mort de Pie XII. On conjecture sur les raisons de cette nouvelle numérotation et sur son contenu. C'est ce nouveau dossier qui servira à la mise à l'Index (1959/1960) et sera la base documentaire pour le cardinal Ratzinger (1985). Selon le témoignage du P. Berti, il ne semblait pas avoir trace effectivement de l'intervention du Pape Pie XII puisque le P. Marco Giraudo qu'il rencontra en décembre 1960, l'ignorait. C'est en apprenant l'existence de cet imprimatur verbal que le P. Giraudo trouva prudent de donner une levée de l'Index "verbale".