Mgr Constantino Barneschi et Maria Valtorta
Mgr Constantino Attilio Barneschi (1892-1965) de l'ordre des servites de Marie fut l'évêque qui accorda l'imprimatur à l'œuvre de Maria Valtorta en 1948, ce qui fut contesté par le Saint-Office au motif que c'était "l'évêque des zoulous". Sur demande de Pie XII, un second imprimatur fut sollicité auprès de Mgr Fontevecchia, évêque d'Aquino-Sora qui fut empêché de l'accorder, comme d'ailleurs son successeur.
Une anecdote rapportée par le Père Benedetto M. Biagioli[1] dans le bulletin des servites de florence ainsi que par le Père Gabriel M. Roschini dans la biographie qu'il lui consacre, dit tout du caractère trempé du personnage."Pendant la Première Guerre mondiale (1915-1918), un jeune soldat[2] nommé Costantino Barneschi fut transporté d'urgence dans un hôpital militaire, le bras brisé par une grenade. Les médecins décidèrent immédiatement de l'amputer et convinrent de procéder à l'opération le lendemain matin. Mais pendant sa nuit sans sommeil, Constantino qui, avant d'être appelé au front, avait été accepté comme aspirant au sacerdoce dans l'Ordre des Servantes de Marie[3], eut l'inspiration de se tourner vers sa sainte préférée, sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. , Patronne des Missions. "Écoute, chère Teresa, lui dit-elle, demain matin on me coupera le bras droit et je ne pourrai plus être prêtre, et cela brisera ma vocation. Faisons ceci : vous obtenez pour moi la guérison et je vous promets que, dès que je serai ordonné prêtre, je demanderai à partir pour les missions. Et Thérèse l'exhaussa. Le matin, les médecins, surpris, trouvèrent le bras bien amélioré et, au lieu de l'amputer, ils le raccommodèrent simplement un peu et le renforcèrent avec une attelle métallique."En 1923, trois ans après son ordination sacerdotale, après avoir terminé ses études et sa préparation, il accomplit le "pacte" conclût avec la Patronne des Missions et partit, plein d'enthousiasme, pour la Mission du Swaziland[4] (Afrique du Sud). On lui assigna la station missionnaire de San Giuseppe, près de Manzini (qui deviendra plus tard son siège épiscopal). Il fut rapidement surnommé "la main de fer". Missionnaire bâtisseur, sillonnant les villages, il devint "le missionnaire le plus populaire du Swaziland"[1].
Une émulation s'instaura avec l'implantation d'une Église méthodiste américaine, l'Église du Nazaréen, qui disposait d'importants moyens. Mais un jour que Mgr Barneschi conduisait imprudemment sa voiture il entra en collision avec un gros cerf. Il s'en sort avec deux côtes cassées. Son rival pasteur, le Dr Hynd, passant par là, l'emmena à l'hôpital dont il était le médecin-chef[1]. De là naquit une relation amicale.
Seize ans après son arrivée, en 1939, il est nommé vicaire apostolique[5] avec le titre d'évêque, il avait un peu plus de 46 ans. C'est neuf ans plus tard qu'il aura l'occasion d'accorder, le premier, l'imprimatur à l'œuvre de Maria Valtorta.
20% des habitants d’Eswatini (Swaziland) se disent catholiques sur un total de 90% de chrétiens (protestants et églises locales africaines).
La culture missionnaire de l'œuvre de Maria Valtorta
L'œuvre de Maria Valtorta est marquée par la culture missionnaire entreprenante, pragmatique et novatrice. Le Père Migliorini était lui aussi missionnaire en Afrique du sud. Le Père Berti, quant à lui, étudia à l'université pontificale Urbanienne qui formait le clergé missionnaire. Le Père Gabriele Allegra, était un missionnaire franciscain comme plusieurs promoteurs de l'œuvre[6]. À l'instar des évêques chinois ou des évêques Indiens qui promurent le lien entre cette révélation privée et l'évangélisation, tous ces missionnaires ont compris d'expérience la puissance évangélisatrice de l'œuvre de Maria Valtorta. Elle-même avait cette culture qu'elle investit dans l'Action catholique féminine après avoir tenté de rejoindre la société de Saint-Paul spécialisée dans l'évangélisation par les médias. Ce n'est pas pour rien que Mgr Barneschi, comme Maria Valtorta, se réfère à Ste Thérèse de l'Enfant Jésus déclarée patronne des missions. Cette culture missionnaire entreprenante, pragmatique et novatrice, se retrouve dans de nombreuses initiatives valtortiennes d'aujourd'hui.
En observant l'accueil favorable des Églises missionnaires d'Asie, on peut se rappeler la prophétie de Jean-Paul II dans son exhortation Ecclesia in Asia du 6 novembre 1999 : "L'Église en Asie franchira le seuil du troisième millénaire chrétien en s'émerveillant devant tout ce que Dieu a fait depuis ces commencements jusqu'à maintenant et, forte de savoir que, "tout comme au premier millénaire la Croix fut plantée sur le sol européen, au second millénaire sur le sol américain et africain, on puisse, au troisième millénaire, recueillir une ample moisson de foi sur ce continent si vaste et si vivant".
Il avait eu cette intuition, en janvier 1995, en contemplant les 5 millions de fidèles réunis pour les JMJ de Manille, la plus grande concentration de ces manifestations. Les Philippines sont le troisième pays catholique du monde (81 millions en 2013). Les chrétiens d’Asie sont peu nombreux (13% environ), mais en forte progression. Le christianisme y jouit d’une image de modernité et de liberté.
Le même Jean-Paul II résumait l’histoire de l’évangélisation de l’Afrique à laquelle participa Mgr Barneschi et le P. Migliorini, dans son encyclique Ecclesia in Africa : "La diffusion de l'Évangile en Afrique s'est effectuée en plusieurs phases. Les premiers siècles de la chrétienté virent l'évangélisation de l'Égypte et de l'Afrique du Nord. Une deuxième phase, concernant les régions de ce continent situées au sud du Sahara, eut lieu aux XVe et XVIe siècles. Une troisième phase, caractérisée par un effort missionnaire extraordinaire, a commencé au XIXe siècle." Au XXe siècle, le christianisme connût une croissance rapide faisant de l’Afrique le continent du plus grand nombre de convertis. Les chrétiens africains, tous cultes confondus, étaient 8 millions en 1910 : ils sont 516 millions, cent ans plus tard.
L'imprimatur
Mgr Costantino Barneschi O.S.M. avait donné son imprimatur à un livret de 32 pages, intitulé Parole di Vita Eterna (Laboremus, Roma, 1948). Cet opuscule comportait quelques extraits et le plan de l’œuvre de Maria Valtorta qui devait être bientôt publiée. L’auteur était anonyme. Ce livret circulait librement au Vatican.
Dans une de ses lettres, Maria Valtorta raconte : "Mais le 29 novembre (1948), alors que les rotatives étaient sur le point de démarrer, le Saint-Office appela le Père Procureur Général de l'Ordre des Servites de Marie et lui ordonna de dire à P. Berti et au P. Migliorini de ne plus s'occuper de l'œuvre. s'ils ne voulaient pas être frappés par les décrets du Saint-Office pour avoir illégalement volé (?) l'approbation de Monseigneur Barneschi contrairement aux normes du Droit Canon, car cet évêque n'est pas l'évêque de la maison d'édition ni celui de l'auteur, et surtout parce que : "Il est l'évêque des Zoulous" (Les Zoulous n'ont-ils pas d'âme ? et un évêque italien, juste parce qu'il est en Afrique, est-elle moins évêque que celui qui vit en Italie ?).[7]"
Un peu plus tard, elle analyse : "Je passe sous silence deux autres raisons qui ont pesé défavorablement sur l'Œuvre. La première est que le Père Migliorini fait l'objet d'une enquête du Saint-Office, depuis 3 ans, à cause de M. Gabriella et Dora Barsottelli de Pieve di Camaiore qu'il dirigeait contre le conseil de Dieu... ( J'avais toujours prié pour que le Père Migliorini n'apparaisse jamais au côté de l'Œuvre, car je connaissais sa situation douteuse auprès du Saint-Office et de la Congrégation. des Rites, mais, comme toujours, on a agi à l'opposé de ce que je disais de faire et on mettait toujours le Père Migliorini en première ligne) [...] La seconde raison défavorable est d'avoir fait approuver l'Œuvre par Mgr Barneschi, évêque d'Afrique du Sud, sans lui demander de faire imprimer là-bas, conformément au droit canonique. Je ne leur ai rien dit pour ne pas mortifier les Pères...[8]"
L’imprimatur accordé dénotait une démarche hâtive et insouciante, mais Mgr Barneschi[9], en tant qu’évêque in partibus de Thagaste[10] était légitime à imprimer à Rome d'autant que l'auteure était anonyme et que la société éditrice était romaine. Il y a en effet trois choix possibles dans la désignation de l'évêque qui attribue l'imprimatur[11].
Mgr Barneschi comptera parmi les Père conciliaires et le Pape Paul VI le distinguera du titre honorifique "d’Assistant du Trône papal" pour le 25ème anniversaire de son élection épiscopale[12].
Notes et références
- ↑ 1,0 1,1 et 1,2 La S.S. Annunziata, n° 208, mai-juin 2013, pp. 2-3.
- ↑ Il avait 23 ans.
- ↑ Né à Foiano della Chiana (Arezzo) le 24 juin 1892, il prit l'habit des Servites de Marie du Monte Senario le 1er août 1907 et prononça ses vœux simples en 1908. Après quoi il fut envoyé à Rome pour des études philosophiques et théologiques à l'Université Pontificale Urbanienne, l'université qui formait les missionnaires. Ce n'est qu'en 1918, après la guerre, qu'il prononça ses vœux solennels. Il fut ordonné prêtre le 16 septembre 1919.
- ↑ Aujourd'hui l'Eswatini (depuis 2018). Manzini est la plus grande ville du pays. Cette monarchie de 1,1 million d'habitant est bordée par l'Afrique du Sud et le Mozambique.
- ↑ Un vicariat apostolique est un diocèse en formation dans les pays généralement en voie de christianisation. Le vicariat apostolique de Mgr Barneschi sera transformé en diocèse en 1951.
- ↑ Tels que le Père Antonio Sisto Rosso ou le Père Fernando Bortone.
- ↑ Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, pp. 172-173.
- ↑ Lettres à Mère Teresa Maria, Tome 2, p. 202.
- ↑ Fiche sur catholic hierarchy.
- ↑ Les évêques In partibus se voient attribuer un ancien diocèse aujourd'hui disparu dans l'attente d'une affectation territoriale juridiquement constituée. Leur nomination est strictement du ressort du Saint-Siège.
- ↑ Code de droit canon de 1917 (en usage à l'époque), article 1385, paragraphe 2 : "La permission d'éditer les livres et les images mentionnés au Paragraphe 1 peut être donnée par l'Ordinaire propre de l'auteur, par l'Ordinaire du lieu dans lequel les livres et les images sont édités, ou l'Ordinaire du lieu dans lequel ils sont imprimés, de telle sorte cependant que, si un des Ordinaires a refusé la permission, l'auteur ne puisse pas la demander à un autre Ordinaire sans lui avoir fait connaître le refus qu'il a rencontré précédemment."
- ↑ Site des Servites : Fiche biographique rédigée par le P. Gabriele Roschini.