La Force des martyrs

    De Wiki Maria Valtorta
    La Force des martyrs
    Page de couverture (2022) Page de couverture (2022)
    Détails de l'œuvre
    Auteur Maria Valtorta
    Conception et commentaires François-Michel Debroise - Benoît de Fleurac
    Préface Véronique Lévy
    Pages 217
    Titre complet La Force des martyrs dans les écrits de Maria Valtorta
    Parution septembre 2022
    Éditeur Centro editoriale valtortiano
    ISBN 978-88-7987-391-8
    Distribution Librairie - vente en ligne - Site de l'éditeur

    Ce recueil propose un florilège de 15 textes extraits des écrits de N{aria Valtorta - principalement Les Cahiers - racontant le martyre des premiers chrétiens, avec une contextualisation historique pour chacun.

    Il s'inspire de cette phrase de Jésus à Maria Valtorta :
    "Vous, chrétiens, vous prenez les récits de mes martyrs pour des fables et vous vous dites : "C'est une légende !" Eh bien ! sachez que ce n'en est pas une. C'est de l'histoire.

    Pourquoi ne sentez-vous pas votre esprit s'exalter au récit des grandeurs et des héroïsmes de mes héros et vous inciter à les imiter de façon élevée ?

    Mes martyrs ont tenu à accomplir leur mission et le ministère - qu'ils avaient reçu de moi - de sanctifier le monde et de rendre témoignage à l'Évangile.

    Ils ne se sont préoccupés de rien d'autre. Eux, ils étaient redevenus des "hommes et des femmes" et non plus des bêtes, par la grâce qui vivait en eux." (Les Cahiers de 1944, 5 mars).

    Sommaire de l'ouvrage[modifier | modifier le wikicode]

    • Préface de Véronique Lévy (7)
    • Les voies du témoignage (14)
    • Les martyrs sont intimement liés à l’histoire du Salut (17)
    • Le sang des martyrs (21)
    1. Les saints innocents (26)
    2. Étienne, martyr à Jérusalem en 32 (37)
    3. Les premiers martyrs romains morts à Rome en 64, sous Néron (52)
    4. Phénicule et Pétronille, mortes probablement entre 64 et 68 à Rome, sous Néron (67)
    5. Le prêtre Diomède martyrisé probablement au 1er siècle, à Rome (78)
    6. Le Pape Clet (Anaclet) martyrisé en 91 ou 92 à Rome, sous Domitien (84)
    7. Félicité et Perpétue, martyres à Carthage en 203 sous l'empereur Septime Sévère (101)
    8. Martine, martyre en 226 à Rome sous Sévère Alexandre (110)
    9. Cécile et Valérien, martyrs à Rome en 229 sous l'empereur Sévère Alexandre (114)
    10. Le vieux prêtre et les gladiateurs, martyrs sans doute en 304, à Rome, sous Maximilien Hercule (140)
    11. Agnès, martyre à Rome en 304 sous l'empereur Maximilien Hercule (147)
    12. Irène de Thessalonique et ses sœurs martyrisées en 304 à Thessalonique, sous Dioclétien et Galère (168)
    13. Justine et Cyprien martyrisés en 304 à Antioche de Syrie sous Dioclétien et Galère (173)
    14. Le Pape Marcel, Valens et Valentin martyrisés en 309 à Rome sous Maximilien Hercule (182)
    15. Flore et Marie de Cordoue martyrisées en 851 à Cordoue sous Abd-al-Rahman II (191)
    • Enseignements de Jésus sur le martyre (197)
    • Maria Valtorta et son œuvre (210)

    Préface de Véronique Lévy[modifier | modifier le wikicode]

    "Entendez-vous ces âmes s’élever en Chœur en communion avec toute l’Eglise, avec la très sainte Vierge Marie, les Anges et les Archanges... Entendez-vous leurs prénoms appelés au  cœur de la Prière Eucharistique comme une bénédiction ? Lin, Clet, Clément, Sixte, Corneille et Cyprien, Laurent, Chrysogone, Jean et Paul, Côme et Damien... la litanie des pieux et preux martyrs escorte le saint Sacrifice de la Messe de leur sang. Echo d’un au-delà du temps, immémoriale ronde des bienheureux... Constellation venue d’ailleurs, des horizons éternels... Ignace, Alexandre, Marcellin et Pierre, Blandine, Félicité et Perpétue, Agathe, Lucie, Agnès, Cécile, Anastasie et tous les saints... Le martyrologue tisse sa couronne de vierges, de pauvres et d’enfant, rois, mendiants ou chevaliers des chemins de traverse... Alléluia, alléluia. C’est la vraie fraternité qui a vaincu les crimes du monde : ils ont suivi le Christ et possèdent la Gloire du Royaume céleste. L’éclatante armée des martyrs chante vos louanges Seigneur. Alléluia ![1] Athlètes de la Charité, tous choisirent de perdre leur vie pour la sauver, saisie dans l’amour le plus nu dont l’autre nom est Vérité. Cet Amour transfigura leur mort, et par delà encore pour la plonger au « feu du fondeur, la purifier à la lessive du blanchisseur.»

    Car ils ont trempé leur robe dans le sang de l’Agneau et cette robe d’innocence est devenue tunique d’un baptême de Sang.

    Une mystique Italienne, Maria Valtorta, âme victime dont le martyre silencieux s’écoulait, invisible, du creux de sa paralysie, reçut de Jésus-Christ la Grâce insigne de la vision de ces martyrs : quinze contemplations, retranscrites parmi toute son œuvre,- surtout dans les Cahiers-, sont enfin rassemblées au cœur de ce recueil, la force des martyrs. Le Seigneur lui révéla que toutes ces vies semées étaient oblations d’amour unies intimement à la Sienne ; que leur sang dispersé allumait tel un feu sur la terre, l’évangile de la Foi. Les saints innocents, Etienne, Phénicule, Pétronille, Irène, Flore, Justine, Valentin et tant d’autres noms, oubliés parfois, s’y entrelacent en un chapelet de lys tressés au Corps et au Sang du Christ : hosties immolées dans l’Hostie. Maria Valtorta les voit, les entend : aimer, vivre, souffrir et mourir. De cette mort extatique si violente ou si douce, insoutenable souvent dans le cri des bourreaux, l’éclat cru de la lame, le broiement des chairs et le parfum du sang. Le sang des martyrs féconda l’Eglise naissante et balbutiante... l’Eglise militante, souffrante et triomphante... L’escortant jusqu’à sa passion, jusqu’à la Croix, jusqu’à ce qu’Elle ne redevienne apparemment plus rien : presqu’île minuscule pour la fin, dernière arche quand tout semble perdu, radeau de la Grâce remontant le cours de l’Histoire Sainte au Souffle de l’Esprit. Sa voile immaculée est tissée du Oui de la Vierge où brille au cœur de la trame tel un fil d’allégresse et de pourpre, la joie pure des martyrs. « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement toute sorte de mal, à cause de Moi. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux. » (Mat 5 : 11,12)

    Le martyr n’est pas une victime : La victime ne sait pas pourquoi elle souffre, vit et meurt. Elle se débat dans l’agonie. Son cri s’étrangle dans l’effroi. Elle se confond avec la mort. Le martyr lui, est saisi dans l’amour et s’unit à la Vie. Il est Son témoin le plus radical. C’est le sens étymologique du mot martyr. Et c’est en témoin de l’Eternel amour qu’il affronte, terrasse et traverse cette mort de sa foi. Par son baptême, sa chair vivifiée par l’Esprit ne meurt plus : elle porte en germe la liberté souveraine des enfants de Dieu ; cette liberté éprouvée par la lame, le feu ou l’abandon de tous, jaillit dans le oui d’une vie donnée sans retour à l’Epoux. Car le chant du martyr est un chant nuptial. Il berce en sa douleur atroce les blessures du monde transfigurées en stigmates d’amour. Et sa chair torturée les porte tel un sceau sur son cœur, le sceau d’une Alliance qui a vaincu la mort. Le martyr est prophète : il annonce le Royaume qui n’est pas de ce monde mais qui porte le monde. Il est prêtre : il dévoile l’éternité sur l’autel d’un amour qui transfigure la mort de sa foi. Il est roi : son cœur est blessé par les épines d’une couronne de douleur mais de Gloire. La couronne de l’Amour crucifié Qui crucifia la haine à Ses grands bras ouverts, celle de la Sagesse de Dieu Qui a brisé la folie de la mort. Car, « si nous avons été unis à Lui par une mort qui ressemble à la Sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la Sienne.(...)Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui.

    Nous le savons en effet : ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur Lui.»  ( Rm 6, 5-9)

    Oui, le martyre désigne ce qui ne passera jamais : la Parole unique de Dieu Qui Se fit Chair dans la chair de Marie pour ensemencer la nôtre de Son éternité ; pour creuser au cœur de l’atome le plus anéanti, l’infini ; pour nous envisager visage à Visage par-delà l’horizon de la mort. Dans la danse Trinitaire. Le martyr est le témoin fidèle du Livre de l’Apocalypse de saint Jean, héraut extrême de la Révélation : celle de l’Amour qui triomphe de la rivalité mimétique ; celle de l’Amour qui triomphe de la « guerre de tous contre tous. » Le martyre est le signe éclatant d’une lumière démasquant la grimace d’un monde qui va vers sa ruine parce qu’il a choisi pour maître le néant. Pour idoles, les robots. Parce que les structures et les soubassements de ce monde sont cimentés par les clients de la mort au lieu des prêtres célébrant la vie et que la modernité trop souvent sert l’archaïsme utile.

    Le martyr méprise le simulacre de l’immortalité d’une chair désertée de son âme et spoliée de l’Esprit Qui l’anima, spoliée par les marchands du temple de nos corps. Il dévoile la violence et le mensonge d’une civilisation maintenant et célébrant la paix à l’ombre de la guerre ; une civilisation dont la figure de proue est le mirage transhumaniste imposant les lois implacables de l’empire digital et du crédit social. La liberté irréductible du martyr les menace : n’est-il pas l’accident d’un grain de sel qui ne s’affadit point, le risque d’un déraillement des circuits du Programme uniforme? Scandaleux, il est le dissident veillant aux interstices des réseaux numériques. Posté aux failles de ses interfaces, il dévie les trajectoires parallèles, défie les algorithmes opaques de tous les paradis artificiels pour que par ces fêlures passe la lumière de la Vie. Il pirate le Système : du cœur de chair de son Humanité, cœur de chair où s’est inscrite, inviolable, la Loi d’amour qui ne passera jamais. N’est-il pas l’époux du Christ, Verbe de Dieu Qui donne sens et être à la matière la plus obscure ?  Archer de l’infini, il vise l’éternité.

    L’Eglise des derniers temps n’est plus cachée dans les ténèbres des catacombes. Ses apôtres et martyrs ne sont pas toujours exterminés dans les larmes, la terreur et le sang ; jetés dans les arènes barbares ; ou effacés, de mort lente et sociale. Ils sont l’écharde de vérité dans le déni du monde. Ils creusent la chair transfigurée déjà d’Eternité appelant chaque atome vers sa source, vers Le Livre de Vie descellé où nos noms sont inscrits dans les Cieux, à l’encre du Sang Glorieux de Jésus-Christ.

    Et ils chantaient un cantique nouveau, en disant: Tu es digne de prendre le Livre, et d'en ouvrir les sceaux; car Tu as été immolé, et Tu as racheté pour Dieu par Ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation; (Ap 5:9)

    Je regardai, quand l'Agneau ouvrit un des sept sceaux, et j'entendis l'un des quatre êtres vivants qui disait comme d'une voix de tonnerre : Viens. (Ap 6 :1)

    Oui, viens Seigneur Jésus. Ton Jugement fera Miséricorde pour l’amour du sang humble et doux de tes très saints martyrs. Car ce n’est pas pour rire qu’ils T’ont aimé, comme Toi Tu nous as aimés jusqu’à la mort sur une Croix... afin que la mort, salaire du péché, y soit crucifiée à jamais... Et qu’y vive Ta vie, et y demeure Ta joie, au cœur des nuits les plus irrémissibles.

                                                         

                                                En ce jour de la canonisation de saint Charles de Foucault

                                                                                                          Le 15 mai 2022

                                                                                                          Véronique Lévy"

    Les premières pages[modifier | modifier le wikicode]

    Le temps des martyrs[modifier | modifier le wikicode]

    [...] Si Jésus s’attache à ces lointains martyres, c’est qu’il s’agit d’une histoire beaucoup plus proche qu’on ne le pense. Les persécutions, qui n’ont jamais cessés au long des siècles, ont reprises de plus belles au XX° siècle. Selon Jean-Paul II, cette période fut comparable, en violences, aux premiers temps de l’Église : "Au cours du XXe siècle, peut-être plus encore que dans les débuts du christianisme, très nombreux ont été ceux qui ont témoigné de la foi au milieu de souffrances souvent héroïques. […] Ils ont subi des formes de persécution anciennes et nouvelles, ils ont subi l’expérience de la haine et de l’exclusion, de la violence et de l’assassinat. De nombreux pays d’antique tradition chrétienne sont redevenus des terres où il en coûtait de rester fidèle à l’Évangile[2]." Ces faits contemporains ont un sens dans l’histoire du Salut. Jésus l’explicite à Maria Valtorta. Il commence par rappeler la loi générale du martyre :
    "Ceux qui se dépouillent de ce que l’humain a de plus cher, la vie, pour pouvoir me suivre, par amour de Jésus et des frères et sœurs, seront appelés à une éblouissante résurrection. Jamais je ne me lasserai de le répéter : il n’y a rien de plus grand que l’amour au ciel et sur la terre, et il n’y a pas d’amour plus grand que l’amour de celui qui donne sa vie pour ses frères et sœurs[3]."
    Puis, un peu plus loin, il élargit la guerre mondiale qui ravage la terre d’alors, aux dimensions d’une autre guerre, celle que mène Satan :
    "Je t’ai dit un jour[4] que dans l’actuelle tragédie sont déjà en branle les forces de Satan, lequel a envoyé ses anges noirs pour soulever les royaumes de la terre l’un contre l’autre. La bataille surnaturelle est déjà commencée. Elle est là. Dans les coulisses de la petite bataille humaine.

    "Petite, non en fonction de son envergure[5], mais de ses raisons. Elle n’a pas, absolument pas, son origine dans les petites raisons humaines. Pas du tout. Sa raison véritable, laquelle transforme des frères en autant de fauves homicides qui se mordent et se tuent mutuellement, cette raison est tout autre.

    "Vous vous battez avec vos corps. Mais en réalité, ce sont les âmes qui se battent. Vous vous battez par ordre de cinq ou six puissants. C’est ce que vous croyez. Non. Il n’y a qu’un exécuteur de cette ruine. Il est sur la terre parce que vous le voulez, mais il n’est pas de cette terre. C’est Satan qui tire les ficelles de ce carnage par lequel il y a plus d’âmes qui meurent que de corps.

    "[…] Bienheureux ceux qui ont vaincu en vertu du Sang de l’Agneau et sont restés et resteront toujours fidèles. Bienheureux ceux qui auront repoussé Satan et ses flatteries et ne se seront pas souciés de ses triomphes apparents, de ses efforts déployés en cette, heure, dont il sait qu’elle sera brève pour son règne de malédiction; ceux qui resteront fidèles au Christ et à son Église, démembrée par la persécution antichrétienne, martyre invaincue comme le grand Martyr son Époux, le Christ crucifié, mais qui renaît encore plus belle après la mort apparente pour entrer glorifiée au Ciel, où le vrai Pontife l’attend pour célébrer les noces."
    Notre époque est ainsi la prolongation d’une lutte spirituelle commencée avec les premiers temps du christianisme.

    Avant d’aller plus loin dans les confidences de Jésus, il convient de préciser le sens des mots : Le mot martyre désigne la mort violente infligée en raison de la foi. Les mots martyr/martyre qualifient les personnes à qui cela est infligé. En grec, le mot martyr signifie "témoin" de Dieu, plus spécialement jusqu’au sang, mais ces témoignages ne furent pas toujours visiblement sanglants, beaucoup furent des martyres intérieurs, souvent ignorés des hommes.

    Jésus s’attarde pourtant, dans sa fresque des 15 martyres, à nous dévoiler les aspects très visibles et concrets de la haine de Dieu et de la cruauté des hommes. De cette façon, Il entend d’abord nous faire mieux comprendre la puissance de leur témoignage, de leur martyre et d’où ils tiraient la force qui les animaient.

    Les voies du témoignage.[modifier | modifier le wikicode]

    Le martyre de sang n’est pas la seule façon de le vivre. Les "âmes victimes", qui s’offrent en "holocauste", le vivent de même. [...] Les souffrances endurées par toutes ces âmes victimes n’ont rien de mineur ou de symbolique. Maria Valtorta qui subit de nombreuses souffrances physiques et morales durant sa vie, décrit comment la dure réalité du martyre s’accompagne aussi d’une béatitude spirituelle :
    "Ah ! (Le Démon) m’a tourmentée de toutes les manières! Seulement moi, je sais combien il m’a tourmentée! Et pendant des années ! C’était quelque chose d’étrange. L’âme restait toujours identique à elle-même, unie à Dieu, dans la paix, dans la soif de sacrifice. La prière constituait ma joie. Je désirais les sacrements plus que l’air lui-même. La chair était en folie. J’ai comme l’impression que par une volonté à attribuer je ne sais pas à qui, au Très-haut ou au Très-bas, je m’étais comme dédoublée. Sur mon esprit régnait Dieu, tandis que sur ma matière Lucifer mordait, excitait, bouleversait... et parfois couchait dans la boue. J’ai vécu l’enfer[6]."
    On en trouve un écho dans le martyre d’Étienne qui, durant son agonie, contemple la Gloire de Dieu (Actes 7, 55-56). Cette présence du Ciel dans les souffrances atroces du martyre est sensible dans les 15 scènes que Jésus nous dévoile.

    Ainsi, martyrs de sang et âmes victimes affrontent également le Mal à la suite et à l’imitation de Jésus. Ils le font de manière publique ou discrète, spectaculaire ou invisible, mais tous les deux participent à l’œuvre de rédemption du Christ. Tous les deux sont confrontés, dans des durées et une intensité variables, à la souffrance physique et morale comme le fit intégralement Jésus. Mais tous les deux participent à son triomphe contre "ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme" (Matthieu 10,28).

    Marie des vallées (1590-1656), eut la vision future de ces âmes victimes. Elle les appelle les martyrs de l’Amour divin : "Ce seront de grands martyrs quoique les bourreaux ne les touchent point, mais ils seront martyrs de l’Amour divin. Ce sera le divin Amour qui les martyrisera. Ils seront brûlés dans la fournaise de l’Amour et ils seront plus grands martyrs que quantité d’autres des premiers martyrs qui souffrirent le martyre par l’espérance des couronnes et de la gloire, mais ceux-ci ne regardent point la récompense mais la seule gloire de Dieu[7]."

    Le Christ a donné sa vie en sacrifice pour le salut du monde et Il invite à la radicalité de son exemple : ceux qui ne comprennent pas qu’ils doivent donner leur vie et leur mort, après moi, pour le Salut du Monde, ne sont pas dignes de Lui[8].

    Le martyre serait-il donc la seule voie offerte au disciple ?

    Tous ne sont pas appelés à siéger aux côtés du Seigneur en buvant à la coupe amère de la Passion (Matthieu 20,21-23), mais la sainteté est à la portée de tous, "selon la mesure du don du Christ[9]". La croix quotidienne, qui est le lot de tous, offre de nombreuses occasions d’exercer l’amour de Dieu et du prochain qui fondent la sainteté : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement, répond Jésus à un scribe qui l’interrogeait. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi et les Prophètes." (Matthieu 22,37-40).

    Les martyrs sont intimement liés à l’histoire du Salut.[modifier | modifier le wikicode]

    "Le martyre de sang accompagne l’évangélisation de tous les continents : Europe, Afrique, Amériques, Asie, Océanie. Il touche les missionnaires, comme les fidèles ou les religieuses et les religieux issus des populations autochtones. Comme le constatait Jean-Paul II, le XXe siècle fut un siècle de recrudescence des persécutions dans la suite de l’Apostasie des peuples. La vision du 13 octobre 1884, de Léon XIII ouvrant l’épreuve purificatrice du "Siècle de Satan" l’annonçait. Ce jour-là, à la fin de la messe, le pape assiste à un dialogue entre Dieu et Satan. Le diable se vante de détruire l’Église moyennant un surcroît de temps et de puissance, ce que Dieu lui accorde. Le pape voit alors le siècle "enveloppé dans les ténèbres et l’abîme", puis une légion de démons dispersés à travers le monde jusqu’à ce que saint Michel archange les chasse dans l’abîme. Léon XIII composa alors une prière prescrite à la fin de chaque messe :
    Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat, soyez notre secours contre la malice et les embûches du démon. Que Dieu exerce sur lui son empire, nous vous le demandons en suppliant. Et vous, Prince de la Milice Céleste, repoussez en enfer, par la force divine, Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde en vue de perdre les âmes. Ainsi soit-il.
    Cette prière inspirée est tombée en désuétude, mais le dimanche 24 avril 1994, dimanche du Bon Pasteur, Jean-Paul II au cours de la prière du Regina Caeli invitait à perpétuer cette tradition :
    "C'est à ce même combat que se réfère le Livre de l'Apocalypse[10], dit Jean-Paul II […] Le pape Léon XIII avait certainement bien présente cette image quand, à la fin du siècle dernier, il introduisit dans l'Église toute entière une prière spéciale à Saint Michel[11] […] Même si aujourd'hui on ne récite plus cette prière à la fin de la célébration eucharistique, je vous invite tous à ne pas l'oublier mais à la réciter pour obtenir d'être aidés dans le combat contre les forces des ténèbres et contre l'esprit de ce monde."
    Jean-Paul II ne la rétablit pas formellement, mais il invite à la continuer. Dans le cours de son homélie, il faisait explicitement référence au chapitre 6 de la lettre aux Éphésiens : "Rendez-vous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. Revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir résister aux embûches du diable. Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes, contre les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits mauvais répandus dans les régions célestes[12]."

    Tous ces évènements entrent bien dans le combat du Mal contre le Bien, de la lutte de celui qui est meurtrier depuis le début (cf. Jean 8,44), ennemi de l’Homme et de la Création : "C'est par lui que la maladie et la mort sont entrées dans le monde. C'est par lui également que sont entrés dans le monde le crime et la corruption. Quand vous voyez quelqu'un tourmenté par quelque malheur, pensez aussi que c'est par Satan qu'il souffre. Quand vous voyez que quelqu'un est cause de malheur, pensez aussi qu'il est un instrument de Satan.(EMV 122.8)"

    Au cœur du premier conflit mondial la Vierge apparaît à Fatima et confie un message prophétique à trois jeunes voyants[13]. En le commentant[14] à la demande de Jean-Paul II, le cardinal Ratzinger reconnaît bien les épreuves du siècle qui venait de s’achever : "…dans la vision, nous pouvons reconnaître le siècle écoulé (le XXe siècle) comme le siècle des martyrs, comme le siècle des souffrances et des persécutions de l'Église, comme le siècle des guerres mondiales (première moitié du siècle) et de beaucoup de guerres locales, qui en ont rempli toute la seconde moitié et qui ont fait faire l'expérience de nouvelles formes de cruauté."

    Si donc Jésus nous donne à méditer les scènes de martyre des premiers temps, c’est pour nous montrer son triomphe contre les forces du mal par la Grâce qui se manifeste dans ses martyrs.

    C’est pour détruire les œuvres du diable que le Fils de Dieu s’est manifesté. (1 Jean 3,8).

    De tous temps, les croyants ont été confrontés au monde qui veut imposer sa domination. C’est vrai encore aujourd’hui où ils sont sommés d’adhérer à sa "culture de mort" dit Jean-Paul II (Evangelium Vitae § 21), sous peine d’opprobre publique.

    Les martyres estiment que leur amour de Dieu et des hommes est supérieur à leur vie. Ils ont reçu le courage, la grâce et la félicité nécessaires à leur témoignage. Comme le Christ, leur "triomphe" n’est pas un triomphe selon le monde, c’en est même l’antithèse, mais comme Lui, ils ont triomphés de la mort et règnent avec Lui comme le rappelle l’extrait de l’Apocalypse 7,13-15 mis en exergue de ce chapitre.

    On est tenté de faire une exception pour les saints innocents massacrés sur l’ordre d’Hérode : ils n’ont décidé de rien. Mais la leçon de cet épisode ne se trouve pas dans l’attitude des Bethléemites rejetant massivement le Messie, cause de leur malheur pourtant perpétré par un tyran, mais dans ces bergers fidèles à la vision béatifique de la Nativité. Ils ont été récompensés au terme de leurs épreuves.

    Lors de la dernière Cène, Jésus délivre à ses apôtres la clé de de combat multiséculaire : "Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde (Jean 16,33)".

    Les martyrs confessent leur foi, c’est-à-dire qu’ils ne font pas mystère de leur appartenance au Christ quel que soit l’appréciation qui survient en retour. En cela, ils sont des modèles pour ceux qui aujourd’hui estiment trop souvent taisent leur foi en croyant respecter celle de l’autre. En cela, ils se trompent car le respect mutuel commence par le respect de ses propres convictions. Si nous ne le faisons pas, qui le fera à notre place ?

    Déjà dans son Autobiographie, Maria Valtorta, orpheline et clouée au lit, a ce cri du cœur : "Une fois encore je fus convaincue qu’après vingt siècles de christianisme on est encore loin d’avoir compris l’essence du christianisme qui est une religion de générosité, de hardiesse, de charité..." (Autobiographie, page 398).

    C’est l’une des invitations que nous recevons de ces témoignages."

    Le sang des martyrs[modifier | modifier le wikicode]

    "Les martyrs apparaissent dès les tous premiers temps de l’Église. Les saints innocents accompagnent la naissance de Jésus comme le martyre du diacre Étienne ouvre celle de l’Église.

    Une dizaine d’années plus tard Jacques de Zébédée, dit le majeur, est le premier des apôtres à subir la mort, en 41-44, au cours des persécutions initiées par Hérode-Agrippa 1er[15]. Ce roi, qui était le frère d'Hérodiade et le compagnon de Caligula l'empereur fou, mourut dévoré de vers[16].

    Jacques d’Alphée, dit le mineur, premier évêque de Jérusalem, fut lapidé en 62 sur l'ordre d'Ananias II, grand-prêtre en exercice, avec plusieurs de ses compagnons. Selon Flavius Josèphe, il fut précipité du haut de la terrasse du Temple dans la vallée du Cédron où un foulon l'acheva à coup de bâton. Ce dernier martyre en Judée précède de peu ceux qui vont commencer à Rome et se poursuivre au long de dix persécutions d’ampleur :

    • Néron, en 66-68,
    • Domitien, en 93,
    • Trajan, en 107,
    • Marc-Aurèle, en 164,
    • Septime-Sévère, en 199-204,
    • Maximin, en 235,
    • Dèce, en 250,
    • Valérien, en 257- 258,
    • Aurélien, en 273-275,
    • Dioclétien et Maximien, en 303-311.

    Les persécutions sous Dioclétien et Maximien, en 303, furent les plus longues et les plus violentes de toutes. On appela cette période l'ère des Martyrs. Dioclétien poussé par Galère, son gendre, publia quatre édits pendant son règne :

    • par le premier, il ordonna de démolir les églises, de brûler les livres saints et de priver les chrétiens de leurs droits civils ;
    • par le second, il prononça l'emprisonnement des chefs de l'Église ;
    • par le troisième, il ordonna d'employer les tortures contre les prêtres qui refuseraient de sacrifier aux idoles ;
    • par le quatrième, il étendit à tous les chrétiens l'obligation de sacrifier.

    Cependant par l'édit de Sardique[17],le 30 avril 311, Galère mis un terme à ces persécutions sanglantes. Deux ans plus tard, par l’édit de Milan, Constantin et Licinius accordaient aux chrétiens le droit d'exercer librement leur religion.

    Une certaine critique, se disant historique, a nié l’ampleur, voire la réalité, de ces persécutions au motif principal que les chrétiens étant minoritaires, ils ne posaient que des problèmes insignifiants. Cette argumentation ne tient pas, pour plusieurs raisons :

    1 – Le christianisme a, très tôt, pénétré l’entourage de l’empereur : Claudia Procula, petite-fille adultérine de l’empereur Auguste, intervient auprès de Ponce Pilate en faveur de Jésus, lors de son procès[18].Flavia Domitilla (sainte Domitille), morte après 95, de la famille impériale, fut exilée en raison de sa foi.

    2 – Même si le pourcentage de chrétiens n’était que de 10 à 15%, cela représente quand même de 8 à 12 millions de personnes. Le témoignage des Pères de l’Église, comme le martyrologue, atteste que le christianisme était implanté à tous les échelons sociaux et parfois à des postes-clés, justifiant sa tentative d’éradication par le paganisme.

    "Le sang des martyrs est la semence de l'Église" disait Tertullien (155-255)[19]. Il n’a cessé de couler depuis, sous différentes formes.

    Les visions de Maria Valtorta rapportent avec précision, quinzemartyres des premiers temps de l’Église dans l’empire romain. Un seul martyre se rapporte aux premiers temps de l’occupation musulmane en Espagne : celui de Flore de Cordoue. Deux sont des épisodes évangéliques : le massacre des innocents et la lapidation d’Étienne. Certains se retrouvent dans le calendrier liturgique, d’autres sont presqu’oubliés."

    Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

    1. Cet hymne était chanté au temps Pascal dans l’antique Liturgie du Missel romain, lors de la Messe sancti tui du commun des martyrs
    2. Commémoration œcuménique des témoins de la foi du XXe siècle, le 7 mai 2000 à Rome.
    3. Les Cahiers de 1943, 21 août.
    4. Dans les dictées des 4 juin et du 19 juin 1943
    5. La seconde guerre mondiale a fait de 60 à 80 millions de morts, sans compter les blessés. Elle a aussi causé d’énormes dégâts matériels et psychiques, et bouleversé des nations.
    6. Autobiographie, page 412.
    7. Propos recueillis par Gaston de Renty (1511-1649).
    8. Cf. Luc 14, 27 : Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.
    9. Lumen Gentium § 40
    10. Apocalypse 12,7.
    11. Voir ci-dessus.
    12. Éphésiens 6,10-12.
    13. Le vendredi 13 juillet 1917.
    14. 26 juin 2000 : Commentaire théologique sur le 3ème secret de Fatima.
    15. Cf. Actes 12,1-2.
    16. Cf. Actes 12,21-23.
    17. Actuelle Sofia en Bulgarie.
    18. Cf. Matthieu 27,19.
    19. Apologétique (Chapitre L, verset 13.