Parabole de la drachme perdue

    De Wiki Maria Valtorta
    La drachme perdue, d'après James Tissot, musée de Brooklyn

    Des trois "paraboles de la miséricorde" (Luc chapitre 15) celle de la drachme perdue (Luc 15,8-10) est souvent éclipsée au profit des paraboles, plus connues, de la brebis perdue (Luc 15,4-7 | EMV 233) et du fils prodigue (Luc 15,11-32 | EMV 205). Pourtant les trois sont une même réponse aux récriminations des scribes et des pharisiens contre le bon accueil que Jésus réserve aux pécheurs comme indiqué en tête du chapitre (Luc 15,1-2).

    La parabole

    La parabole de Luc couvre trois versets (8-10) :

    "Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : "Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !" Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit."

    Il s'agit une scène familière et crédible que Luc résume en deux lignes. Ici, le lecteur, comme l’auditeur de l’époque, se pénètre de la situation. Il "compose le lieu" pour reprendre le premier conseil donné par saint Ignace de Loyola dans ses Exercices spirituels[1]. L’enjeu est de valeur pour la femme, car une drachme d’argent représente le salaire d’une journée de travail. Avec cette mise en situation, on se trouve bien dans cet art oratoire de la comparaison que Daniel-Rops soulignait comme typique de la Palestine au temps de Jésus :

    La notion du mâshâl est fondamentale pour comprendre ce que pouvait être l'éloquence israélite; on en trouve d'ailleurs l'application en d'innombrables passages de la littérature écrite, Ancien ou Nouveau Testament, mais fondamentalement elle est liée à la parole. La langue hébraïque, concise, colorée, est gauche quand il s'agit de traduire les abstractions et les réalités supérieures: elle s'en tire par des images, des symboles, des comparaisons. Ce qui d'ailleurs est tout à fait conforme à la psychologie israélite, dont le pouvoir d'intuition est extraordinaire, qui voit d'emblée le trait topique, réaliste, familier, et excelle à en dégager une leçon[2].

    Mais cet art oratoire de la comparaison n’est pas seulement une parabole : un mashal (משל) s’accompagne d’une leçon morale ou religieuse. La liturgie prévoit d’ailleurs, qu’après la lecture d’un passage de l’Évangile, d’une parabole, le sens soit explicité par l’homélie. Mais le récit de Luc saute directement à la phrase clé de la conclusion : "Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit." Ce raccourci interroge : quel rapport, au premier abord, entre un pécheur et une pièce de monnaie perdue ?

    Ce qu'en dit Maria Valtorta

    Marie Madeleine, CEV, 2019
    L'Énigme Valtorta, Tome 2, J-F. Lavère, éd. RSI, 2014.

    Dans Maria Valtorta, conformément à la réalité du temps, le sens moral, but ultime d'une parabole, est développé et explicité par Jésus. Son apport réside donc, notamment, dans l’explication qu’en donne Jésus.

    Le contexte de la parabole

    En EMV 241.7 Jésus développe la scène que résument les deux premiers versets de Luc : une femme avec ses amies fait tomber accidentellement la bourse qu'elle garde sur la poitrine. Tout le monde l'aide à chercher les pièces, mais il en manque une, introuvable. Les amies renoncent et s'en vont. La femme s'acharne, déplace les lourds meubles et finit par trouver la drachme au milieu d'un tas d'ordures où elle a roulé. Elle la lave et part, toute joyeuse, annoncer sa joie aux amies parties.

    En EMV 241.7, Jésus en tire le commentaire moral. Il cherche sans cesse et sans se lasser les âmes qui, en lui échappant, ont roulé "dans les ordures". C’est le point clé de l’épisode comme le souligne Jean-François Lavère dans ses travaux[3], car cette explication donne son plein sens à la parabole et à sa conclusion.

    Ainsi développé, la parabole de Luc prend sa cohérence, mais le contexte historique rajoute une dimension supérieure qui introduit dans le cœur miséricordieux de Jésus. La scène se passe à Magdala, villégiature huppée en bord du lac de Tibériade où Marie Madeleine menait sa vie dissolue, source de scandales. Elle y revient, cette fois-ci, en compagnie de Jésus, après sa conversion. Celle-ci avait commencé avec la parabole de la brebis perdue, énoncée à son intention. À la suite de quoi elle surgit au banquet de Simon le pharisien où elle lave de ses larmes les pieds de Jésus et les essuie de ses cheveux (Luc 7,36-50). Les habitants de Magdala, ignorant tout de ce chemin, sont dans l'expectative devant une situation inattendue et si radicalement changée.

    Les points remarquables

    Avec la parabole de la brebis perdue, Marie Madeleine, aux mains de "sept démons" (Luc 8,2), avait entendu pour la première fois l’appel de l’amour, repris de la parole éternelle du Dieu Rédempteur "tu as du prix à mes yeux et je t’aime" et je donnerais tout pour toi, que rapporte Isaïe[4], au lieu du jugement et de la réprobation. Commence alors pour elle le chemin de la conversion, au sens littéral de changement de direction. Elle doit affronter les regards dubitatifs des habitants de Magdala ou les sarcasmes des pharisiens. La parabole de la drachme retrouvée signifie aux uns et aux autres l’attitude à suivre : les amis de Dieu se réjouissent de la conversion, ceux de son Adversaire enragent. "Et je vous dis aussi que la manière dont un homme accueille la conversion d'un pécheur donne la mesure de sa bonté et de son union à Dieu." (EMV 241.8).

    Pour aller plus loin

    Notes et références

    1. Exercices spirituels, premier exercice, § 27.
    2. Daniel-Rops, La vie quotidienne en Palestine au temps de Jésus, Hachette 1961, p. 324 et suivantes.
    3. L’énigme Valtorta, Tome 2, p. 218-219.
    4. Isaïe 43,4.