Pétition au Pape, 29 janvier 1952

    De Wiki Maria Valtorta
    Fac-similé de la pétition au Saint-Père du 29 janvier 1952

    La pétition adressée au Saint-Père, par Mgr Alfonso Carinci est datée du 29 janvier 1952. Elle se situe au terme de la crise qui vit s'affronter, de façon feutrée, la direction du Saint-Office et une dizaine de personnalités proches de Pie XII sur l'œuvre de Maria Valtorta.

    • 1948 avait été l'année de l'encouragement de Pie XII à la publication et des démarches en ce sens.
    • 1949 fut celle de l'opposition du Saint-Office.
    • 1950 fut celle de la confrontation quasi ouverte.
    • 1951 fut celle de la neutralisation que clos cette pétition.

    À la suite de quoi il s'instaurera un statu quo. L'affrontement attendra, pour reprendre avec la mise à l'Index, la mort de Pie XII. L'Osservatore Romano qui commente cette condamnation, pointe "les personnalités illustres" qui se seraient faites berner. Il s'agit des signataires de cette pétition auxquelles il faudrait ajouter La Pira, député-maire de Florence absent de la liste.

    Il suffit d'examiner le cursus de ces signataires et le vrai fondement du "réquisitoire" de l'Osservatore Romano, pour s'apercevoir que ces personnalités n'avaient rien de naïves dans leur jugement.

    Les "illustres personnalités" signataires

    Voici la liste de ces signataires avec le rappel de leur niveau de responsabilité, la justification de leur expertise et leur avis porté sur l'œuvre de Maria Valtorta.

    1. Mgr Alfonso Carinci :

    • Secrétaire de la Congrégation des Rites (pour la cause des saints).
    • Recteur d'un des grands séminaires de Rome.
    • "nous éprouvons spontanément le désir de rendre grâce au Seigneur de nous avoir donné, par l’intermédiaire d’une femme souffrante clouée au lit, une Œuvre aussi belle littérairement, aussi élevée, accessible et profonde doctrinalement et spirituellement, d’une lecture agréable".

    2. Père (cardinal) Augustin Bea :

    • Recteur de l'Institut biblique pontifical, confesseur de Pie XII, consulteur au Saint-Office.
    • Professeur de théologie biblique à l’université pontificale grégorienne
    • "Quant à l’exégèse, je n’ai trouvé, dans les fascicules que j’ai examinés, aucune erreur, de quelque sorte que ce soit. J’ai d’ailleurs été fort impressionné par l’exactitude remarquable des descriptions archéologiques et topographiques [...] Il reste cependant que, si l’on tient compte des idées modernes, l’Œuvre de Maria Valtorta ne devrait pas être publiée comme provenant de visions ou d’états spirituels extraordinaires, mais simplement, et sans nom d’auteur, comme une “Vie de Jésus, racontée et illustrée pour le peuple catholique”.

    3. Mgr Angelo Mercati :

    • Préfet des archives vaticanes de 1925 à 1955, collaborateur de l’Osservatore Romano.
    • Professeur de théologie dogmatique.
    • "Je dois reconnaître qu'il s'agit d'une œuvre parfaitement canonique, en tout et pour tout. J'en ai été abasourdi [...] L'Œuvre doit être imprimée avec l'imprimatur, accompagnée d'une déclaration qui déclare que l'Église n'entend pas se prononcer, mais qu'elle permet seulement l'impression parce qu'elle ne contient rien de répréhensible."

    4. Mgr Ugo Emilio Lattanzi :

    • Doyen de la Faculté de Théologie du Latran de1960 à1968.
    • Professeur de théologie fondamentale. Consulteur de diverses congrégations, il était membre de l'Académie pontificale de théologie.
    • "Je considère comme absolument impossible que la femme qui en est l’auteur, une femme de culture inférieure à la moyenne, ait pu écrire une telle quantité de pages à la plume sans avoir subi l’influence d’un pouvoir préternaturel [...] J’ai en effet la conviction que la lecture de ces volumes, ainsi révisés, pourra amener plus d’une âme indifférente à se désaltérer à la source d’eau vive: à l’Ecriture sainte."

    5. Mgr Maurizio Raffa :

    • Membre de la Congrégation du Concile (renommée plus tard Congrégation pour le Clergé) - Directeur du Centre de Comparaison et de Synthèse (Centre international scientifique) - "Juste parmi les nations".
    • (Diplômes et formation inconnue).
    • "La lecture de ce texte (Maria Valtorta) exerce une fascination particulière et suscite une vive émotion, non seulement chez les personnes érudites mais aussi dans les âmes simples, qui ne connaissent pas la science mais possèdent la sagesse. Je considère que l’Œuvre, dûment revue et présentée convenablement, pourrait faire beaucoup de bien aux âmes assoiffées de bonté et de lumière."

    6. Maître Camillio Corsanego :

    • Procureur au Tribunal de l’État du Vatican, Doyen des conseillers consistoriaux du Vatican (en charge notamment des procès de béatifications et de canonisations), un des pères fondateurs de la Démocratie chrétienne italienne.
    • Avocat diplômé de droit canonique et droit civil (utriusque iuris), professeur de droit pénal à l’université pontificale du Latran.
    • " j’ai eu l’occasion de lire une foule d’ouvrages apologétiques, hagiographiques, de théologie ou de critique biblique. Je n’y ai jamais trouvé un ensemble de science, d’art, de piété et de conformité à l’enseignement traditionnel de l’Église comme dans l’Œuvre sur les évangiles de mademoiselle Maria Valtorta [...] soit "le doigt de Dieu est là[1]" [...] Je considère, en humble fidèle, que la publication de cette Œuvre sera utile pour ramener à Dieu bien des âmes, qu’elle aura dans le monde moderne un grand écho apologétique et qu’elle sera un levain de vie chrétienne comparable uniquement aux effets de la révélation privée à sainte Marie Alacoque[2]."

    7. Professeur Nicola Pende :

    • Médecin endocrinologue, sénateur, expert auprès de la Congrégation des Rites (en charge de la cause des saints).
    • Professeur à l'université de Rome, il jouissait d'une renommée mondiale dans le domaine de l'endocrinologie et de la pathologie constitutionnelle.
    • " Mais ce qui a suscité ma plus grande admiration et tout mon émerveillement en tant que médecin, c’est la compétence avec laquelle Maria Valtorta décrit, comme un expert, une phénoménologie que peu de médecins confirmés sauraient exposer: la scène de l’agonie de Jésus sur la croix [...] La pitié et l’émotion envahissent le lecteur chrétien devant ces magnifiques pages, au style médical, du manuscrit de Maria Valtorta."

    8. Lorenzo Ferri :

    • Peintre et sculpteur retenu pour le concours final de la Porte jubilaire du Vatican.
    • Auteur de travaux sur le Linceul de Turin. Illustrateur des visions de Maria Valtorta qu'il rencontra.
    • "De nombreux points obscurs ou controversés de l’Évangile sont éclaircis avec une évidence logique et persuasive. La lecture de cette Œuvre a eu le pouvoir d’éveiller en moi une foi plus solide et un plus grand désir d’élévation [...] En tant que spécialiste du Linceul, je puis affirmer, preuve à l’appui, que la description que fait Maria Valtorta de la Face et du Corps du Seigneur trouve une impressionnante confirmation dans les traits du Seigneur sur le Linceul".

    9. Président Vittorio Tredici :

    • Président de l’Azienda Minerali Metallici Italiani (entreprise des minerais métalliques italiens). Vice‑président de la Corporation des Industries extractives et le président de la Société Italienne de Potasse. "Juste parmi les nations".
    • "Ce qui m'a profondément frappé, dans l’examen critique de l'Œuvre, c'est la connaissance parfaite que l'écrivain avait de la Palestine et des lieux où la prédication de Notre-Seigneur Jésus-Christ a eu lieu. Une connaissance qui, dans certains passages, dépasse les connaissances géographiques ou panoramiques normales [...] Mais, plus que mon esprit critique, c’est mon cœur que je sens devenir meilleur chaque fois que je peux lire quelques pages de l’Œuvre, ce qui m’assure qu’elle est bien “l’Œuvre de Dieu”. Je souhaite de tout mon être qu’elle appartienne au plus vite - grâce à sa publication rapide - au patrimoine de toute l’humanité, car je sens et je pense qu’une foule innombrable d’âmes en errance reviendront au Bercail."

    Le texte de la pétition

    Très saint Père,

    Prosterné aux pieds de Votre Sainteté, j’implore humblement, en mon nom et au nom

    • du Révérend Père Agostino Bea, s.j., ainsi que des révérends
    • Angelo Mercati
    • Ugo Lattanzi, professeur de théologie fondamentale et biblique à l’athénée pontifical du Latran,
    • Maurizio Rafa, directeur du Centre de Comparaison et de Synthèse;

    Et au nom

    • de M. Camillo Corsànego, professeur de droit à l’athénée pontifical du Latran et de théologie à l’université internationale “pro Deo”,
    • du professeur Nicola Pende de l'université de Rome,
    • du professeur Lorenzo Ferri, sculpteur et peintre,
    • de M. Vittorio Tredici, minéralogiste,

    dont les déclarations sont jointes à cette lettre. Nous demandons que l’Œuvre “Paroles de Vie”, écrite par Maria Valtorta (qui est alitée depuis vingt ans), puisse être publiée avec l’Imprimatur, “sans nom d’auteur, ni mention de visions ou d’états extraordinaires, mais simplement comme la vie de Jésus, racontée et illustrée pour le peuple catholique, après une révision méticuleuse faite par un réviseur compétent en théologie et en exégèse” (cf. la déclaration du Rév. P. Bea), à nommer par Votre Sainteté.

    Je pourrai faire lire les lettres que m’a écrites Mademoiselle Valtorta au réviseur que, j’espère, Votre Sainteté voudra bien nommer, car elles montrent avec évidence le bon esprit de cette personne.

    J’espère que Votre Sainteté fera la grâce d’exaucer le désir des auteurs de ces témoignages. Comme Mademoiselle Valtorta et moi‑même, ils implorent votre bénédiction apostolique.

    Rome, le 29 janvier 1952

    + Alfonso Carinci, arch. de Séleucie d’Isaurie, Secrétaire de la Sacrée Congrégation des Rites

    Analyse et importance historique de cette pétition

    Il est impensable que de tels personnages aient engagé leur réputation pour une simple vie de Jésus écrite par une femme sans renom et sans expérience littéraire. Pour eux l'œuvre de Maria Valtorta est exceptionnelle et édifiante à de nombreux points de vue . Ils ne demandent pas la reconnaissance officielle d'une origine divine (ce qui transparaît pourtant dans leurs témoignages) mais le droit de la diffuser comme une révélation privée ou même comme une simple œuvre édifiante. Ils se soumettent d'avance à l'arbitrage d'un "médiateur" que nommerait le Souverain Pontife. Celui-ci avait demandé la confirmation de son avis positif par un imprimatur formel d'usage.

    Le Saint-Office avait bloqué par trois fois l'imprimatur d'évêques différents et avait voulu détruire l'œuvre. Face à cela, les signataires faisaient une demande a minima pensant que cela serait la base d'un accord acceptable. Mgr Carinci ne voulant pas user de sa proximité avec Pie XII, laissa la pétition suivre les voies habituelles. Elle aboutit au Saint-Office et n'eut aucune suite. La seule réponse publique que fit le Saint-Office, huit ans plus tard, le fut après la mort de Pie XII, dans l'article de l'Osservatore Romano commentant la mise à l'Index : "malgré les personnalités illustres (dont l'incontestable bonne foi a été surprise) qui ont apporté leur appui à la publication, le Saint-Office a cru nécessaire de la mettre dans l'Index des Livres prohibés. Les motifs sont évidents pour qui aura une patience de Chartreux, de lire ces presque quatre mille pages."

    Cette pétition, et les attestations annexées, et l'article de l'Osservatore Romano se répondent donc pour un meilleur discernement des attitudes réciproques.

    Les "personnalités illustres" signalent-elles une œuvre édifiante ? Le Saint-Office s'attachera à en faire un mauvais roman. Cautionnent-elles la rectitude doctrinale ? Le Saint-Office tentera par quatre fois de trouver vainement une erreur patente, quitte à cultiver le paradoxe en pointant sa haute qualité théologique. Ces personnalités vantent-elles le bien qu'elle ferait aux âmes ? Le Saint-Office avance le danger de sa lecture dans les pensionnats de jeunes filles. Cautionnent-elles la véracité du contexte historique et scientifique ? Les censeurs évoqueront, sans preuves, l'abondance des erreurs historiques. Il ne restera donc que la faute patente du défaut d'imprimatur pour laquelle le Saint-Office avait activement œuvré.

    Quand le 8 novembre 1963 le cardinal Josef Frings lança la charge contre les mœurs du Saint-Office qui en sonna le glas[3], l'assemblée conciliaire applaudit. Dans ces applaudissements, il y avait sans doute le souvenir des condamnations du Saint-Office qui frappèrent le Padre Pio ou Sainte Faustine Kowalska, mais il y avait sans doute aussi celui de Fogazzaro et probablement celui de Maria Valtorta avec bien d'autres.

    Notes et références

    1. Expression employée par Jésus chassant les démons (Luc 11,20) et par les magiciens de pharaon pour qualifier les prodiges de Moïse (Exode 8,15). L'expression est aussi citée par le Bienheureux Gabriele M. Allegra dans son analyse de l'œuvre de Maria Valtorta : "cette âme a vu et entendu - Digitus Dei est hic ! (Le Doigt de Dieu est ici !)".
    2. Sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) de Paray-le-Monial. Ses visions sont à l'origine de l'expansion du culte du Sacré-Cœur avec son confesseur St Claude La Colombière. Maria Valtorta assiste à cette vision fondatrice (Cahiers de 1944, 2 juin, pp. 336-338). Le Père Gabriele M. Allegra arrive au même parallèle fait par Camillo Corsànego entre les visions de Maria Valtorta et celles de Marguerite-Marie Alacoque.
    3. Voir le motu proprio Integrae servandae réformant le Saint-Office et ses conséquences.